mercredi 25 février 2015

Le lézard lubrique de Melancholy Cove, de Christopher Moore


Quand on cite Christopher Moore, on pense avant tout à ses deux grands bestsellers que sont Un blues de coyote et L'agneau; Mon préféré reste à ce jour son deuxième roman Le lézard lubrique de Melancholy Cove, petit bijou d'humour déjanté, loufoque à souhait. Inutile de s'attarder sur l'intrigue, il y en a une bien sûr, mais qui part vite dans tous les sens: l'action se déroule dans une petite station balnéaire californienne, où d'ordinaire il ne se passe jamais rien; Jusqu'à l'arrivée d'un monstre marin, qui va semer la zizanie, et permettre à Christopher Moore de laisser libre cours à son imagination débordante. Comme dans Un blues de coyote, l'auteur fait preuve d'une inventivité hors du commun. On ne s'ennuie jamais à la lecture de ce polar comique, loufoque, déjanté: à la première page, on sourit, à la deuxième, on se met à rigoler franchement, à la troisième, sauve-qui-peut ! 

Faites connaissance avec des personnages tous plus dingues les uns que les autres: un policier fumeur de marijuana, une ancienne actrice de films de science-fiction, une psychiatre en pleine crise de conscience, un pharmacien zoophile, un chanteur de blues qui a peur de perdre le ... blues, un chien qui parle, un monstre qui pense... je m'arrête là, la liste est longue et le rire sans fin; Bref un formidable moment de lecture, une tranche de rigolade salutaire. Et en plus, c'est très bien écrit. 

Une vraie bombe textuelle pleine de phrases cultes; En voici quelques extraits histoire de vous mettre dans l'ambiance:
"Par contre, il ne s'était jamais préparé à voir une conduite intérieure teutonne avec un labrador retriever au volant." "ça fait maintenant dix ans qu'il est un peu ouf. Faut dire qu'il ne débourre quasiment jamais." "Oh merde! Les cervelles de rats! hurla Gabe. Cette exclamation tombait mal en pleine partie de jambes en l'air."

Christopher Moore, Le lézard lubrique de Melancholy Cove, Folio, 432 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Luc Baranger, sorti en 1999 (Etats-Unis) 2002 (France)

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lundi 16 février 2015

Papillon blanc, de Walter Mosley


Je vous situe le contexte, nous sommes à Watts, le quartier noir de Los Angeles, dans les années 50:
un ghetto étouffé par le chômage, la misère, et la violence, trois jeunes femmes y sont sauvagement assassinées, mais comme elles étaient noires, la police n'y prête pas attention; Lorsqu'une jeune femme blanche est assassinée à son tour dans les mêmes conditions, la police bouge enfin, d'autant que le père de la morte est procureur. 

En apparence, cette fille de bonne famille n'a rien à se reprocher, mais comme le sait si bien Easy Rawlins, le héros de cette histoire, les apparences sont souvent trompeuses en ce bas monde; L'enquête menée par Rawlins s'avérera périlleuse, pleine de suspense et de rebondissements. 


Papillon blanc est une plongée saisissante dans les bas-fonds de Watts, à une époque marquée par un racisme omniprésent et la corruption policière. Ce roman noir séduit par l'écriture nature et par les dialogues percutants de Walter Mosley, qui est un meneur d'intrigues hors pair. Le rythme est lancinant, crescendo, et le roman baigne dans une atmosphère lourde et poisseuse. En outre, l'auteur retranscrit parfaitement toute une époque, à travers le spleen désabusé de son héros, personnage authentique, complexe mais surtout profondément humain, pour le meilleur et pour le pire. Mais on est plus dans le roman noir de critique social, dans le roman urbain engagé que dans le polar historique au sens strict du terme.

Au final, un roman à la fois envoûtant et attachant, mais aussi une histoire franchement glauque, passionnante à suivre, et surtout des dialogues d'anthologie.

Walter Mosley, Papillon blanc, Points, 300 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Gabrielle Merchez, sorti en 1992 (Etats-Unis) 1995 (France)

Je vous conseille aussi:
La route de tous les dangers, Kris Nelscott 
Carnaval, Ray Celestin

mardi 10 février 2015

L'horreur au coeur de la nuit, de Russell Greenan


Et si les Etats-Unis subissaient des attaques terroristes sans précédent ? Et si la plupart des villes américaines étaient littéralement rayées de la carte par des bombes atomiques ? Et que viendraient faire dans cette histoire un minable détective privé et sa soupirante ? Vous le saurez en lisant le dernier roman de l’atypique Russell Greenan, auteur culte de C’est arrivé à Boston? et de La nuit du jugement dernier.

Avec ce vieux bonhomme - 90 ans en 2015 - qui réside désormais à Rome, on ne sait jamais où on va, on peut s’attendre à tout sauf à être déçus ! Ses romans sont toujours placés sous le signe de l’originalité, permettant à l’auteur de livrer sa vision singulière du monde contemporain, et notamment de l’Amérique Post-11 septembre, qui est tombée dans la paranoïa la plus totale. 

L’horreur au cœur de la nuit raconte entre autre ce que deviendrait l’Amérique si elle basculait dans le chaos le plus total, et le scénario catastrophe imaginé par l’auteur fait froid dans le dos. La description du chaos est minutieuse et implacable. Ce qui me permet d’enchaîner sur le style d’écriture singulier de Russell Greenan. Au premier abord, l’écriture est précise, clinique, chaque phrase véhicule une quantité stupéfiante d’informations. Greenan a le sens du détail, et décrit des faits et leurs conséquences. 

Cependant, l’auteur fait en même temps preuve d’un sens de l’humour dévastateur, désabusé. Un humour noir, et cynique. Certaines phrases sont assénées telles des uppercuts que les personnages du livre prennent de plein fouet. C'est donc un polar atypique, tendu et bien mené, avec un final haletant.

Russell Greenan, L’horreur au cœur de la nuit, Rivages, 400 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Frédéric Grellier, sorti en 2013 en France.

Du même auteur sur ce blog:
La vie secrète d'Algernon Pendleton

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dimanche 1 février 2015

La griffe du chien, de Don Winslow


"Le plus grand roman sur la drogue jamais écrit", selon James Ellroy. Trinités de Nick Tosches, L'idole des camés de Richard Stratton, Les quais de la blanche de Graham Hurley: tous de grands romans sur la drogue, mais aucun ne dégage la puissance de La griffe du chien, le chef d'oeuvre de Don Winslow. Entre 1975 et 2000, les Etats-Unis mènent officiellement une guerre sans pitié contre la drogue, qui part de la Colombie, transite par le Mexique, pour finir dans les quartiers pauvres américains; Un combat mortel contre les cartels de Colombie et du Mexique; Mais officieusement, les américains gagnent ou perdent cette guerre, selon ce qui les arrange, car les objectifs sont ailleurs: anéantir le communisme en Amérique centrale, et imposer le capitalisme à tout un continent avec la mise en place de l'ALENA, l'Accord de Libre-Echange Nord-Américain. 

Et tous les coups tordus de la CIA sont permis pour y arriver; Et bien sûr, pendant toutes ces années, le sang coulera à flots, celui des civils innocents !

La griffe du chien est un roman effrayant, triste, mettant en scène des personnages dont les destins s'enchevêtrent pour le pire, toujours pour le pire; Et il n'y a pas les gentils d'un côté, et les méchants de l'autre, simplement des êtres humains qui jouent leur survie sur l'échiquier du mal; Certains de ces personnages incarnent quand même le mal absolu: le seigneur mexicain de la drogue, Miguel Angel Barrera et ses neveux Adàn et Raùl, John Hobbs de la CIA, Fabian Martinez, le tueur au cœur de pierre, et le pire de tous, Sal Scacchi multi casquette dans l'horreur ! Peut-être le personnage le plus abject jamais créé par un auteur de thriller.

Ecriture musclée et spectaculaire, intrigue taillée au couteau, rythme endiablé, scènes d'action époustouflantes et parfois très choquantes, final "corral", cette oeuvre indispensable vous prend à la gorge, vous étouffe, et vous maintient dans un état émotif extrême; Une chose est sure: Don Winslow est un auteur qui ne nourrit plus aucune illusion sur son pays !

Don Winslow, La griffe du chien, Points, 840 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Freddy Michalski, sorti en 2005 (Etats-Unis) 2007 (France)

Du même auteur sur ce blog:
Savages ; Corruption

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