vendredi 29 mai 2015

Le Rideau orange, de John Shannon


200 dollars plus les frais, Magnum, Mike Hammer.... ha ces bonnes vieilles séries américaines des années 80 que je matais avec mes yeux d'enfant, admiratif devant ces héros solitaires, rusés, capables de se sortir de n'importe quelle situation, et avec un seul objectif en tête: découvrir la vérité. Une vie d'aventure et de liberté. Bien sûr, je veux parler du détective privé, un personnage également très présent dans la littérature policière. Le privé de l'atypique John Shannon se nomme Jack Liffey, personnage complexe, à la fois dur et sensible, et forcément séducteur, une constante chez le privé. L'attachant Jack Liffey mène l'enquête dans le comté d'Orange afin de retrouver Phuong Minh, une étudiante d'origine vietnamienne qui a mystérieusement disparu. 

Le comté d'Orange est surnommé le Rideau orange, car c'est un lieu spécial, cosmopolite, un melting pot atypique d'ailleurs très bien décrit par l'auteur. Pas toujours facile de communiquer avec les communautés locales pour le pauvre Jack, heureusement secondé par une pétillante femme d'affaires vietnamienne. Son enquête le conduira sur les traces d'un tueur en série... atypique lui aussi !

Le Rideau orange n'est pas un furieux page turner, un fast book vite lu, et vite oublié. Ce n'est pas un suspense qu'on lit d'une traite tellement on a envie de connaître la fin; Ne vous attendez pas non plus à des rebondissements de dernière minute. C'est plutôt un polar d'atmosphère subtil, intelligent, qui doit être lu tranquillement, sans se presser. 

Un whodunit peuplé de personnages fouillés, plus vrais que nature. Jack Liffey rencontrera notamment le célèbre Philip Marlowe. (clin d’œil de l'auteur au privé mythique de Raymond Chandler) Le style d'écriture de John Shannon est détaillé, sophistiqué, mais d'une pureté très surprenante. Une écriture pleine de vitalité, avec des passages philosophiques franchement intéressants. Une série à découvrir sans tarder, en commençant par Le Rideau orange.

John Shannon, Le Rideau orange, Rivages, 304 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean-François Le Ruyet, sorti en 2001 (Etats-Unis) 2003 (France)

samedi 23 mai 2015

Un vent de cendres, de Sandrine Collette


Feu Thierry Jonquet avait écrit La Bête et la Belle, une version totalement décalée du célèbre dessin animé de Disney, un récit plein d'humour noir, avec une certaine dose de critique sociale. Ici dans Un vent de cendres, nous avons droit à la version noir majuscule de Sandrine Collette, un roman coup de poing oppressant, voire même dérangeant par certains côtés. Lorsque j'ai refermé la dernière page de ce court récit, plusieurs adjectifs me sont venus à l'esprit: tout d'abord atypique, car l'action de ce roman se déroule en pleine campagne française, ce qui change du thriller urbain habituel. Camille et son frère Malo sont deux jeunes étudiants venus faire les vendanges dans le domaine  de Vaux. Un domaine lugubre, sinistre, qui sera le théâtre d'un huis clos étouffant du début à la fin. 


Ensuite, morbide, pour qualifier l'étrange relation qui va se nouer entre le maître des lieux, Octave, La Bête au visage lacéré à cause d'un accident de voiture, et Camille, La Belle, cette jeune femme tourmentée, instable psychologiquement. 

Enfin angoissant, car Sandrine Collette, auteure du monumental et surtout terrifiant Des nœuds d'acier, confirme tout son talent pour raconter des histoires franchement glauques. Un récit à plusieurs voix qui permet à l'auteure de nous faire entrer dans l'intimité de chaque personnage, d'en saisir toute la pleine noirceur. Les dialogues sont peu présents, mais laconiques, lourds de sens, l'atmosphère est trouble, et la nature locale est magnifiquement retranscrite par Sandrine Collette. Bien sûr, le lecteur de thriller, amateur de frissons, en a pour son argent, certaines scènes font très peur, notamment la poursuite dans la forêt. Et le dénouement spectaculaire, qui fait monter le palpitant, est noir comme le cauchemar. Mais cette histoire d'amour et de haine ne pouvait que mal finir...

Sandrine Collette, Un vent de cendres, Le Livre de Poche, 264 pages, sorti en 2014.

Je vous conseille aussi:
Seules les bêtes, Colin Niel
Ce qui se dit la nuit, Elsa Roch 

mardi 19 mai 2015

L'idole des camés, de Richard Stratton


Le célèbre écrivain américain Norman Mailer a décrit L'idole des camés comme étant un livre excitant et authentique. Après avoir dévoré cette monumentale et grandiose fresque sur le monde de la drogue, je ne peux que partager son avis, et bien plus encore. Excitant, oui, car Richard Stratton a construit une intrigue passionnante, à partir de l'arrestation de Sonia, la reine de la drogue, l'idole des camés. Le FBI a serré cette jeune femme hors norme, fascinante, dans une maison supposée appartenir à une star du rock. Y sont également saisis deux kilos d'héroïne pure, deux cent cinquante grammes de cocaïne, trois cent quatre-vingt mille dollars en liquide, des échantillons de drogues diverses et un carnet d'adresses où se trouvent beaucoup de noms célèbres et de téléphones sur liste rouge. 

L'intrigue se met donc en place, puissante, le potentiel est énorme et sera très bien exploité par l'auteur. Qui nous offre le meilleur de ses romans, un polar devenu culte !

Authentique, oui complètement, l’auteur sait de quoi il parle, il a d’ailleurs écrit ce roman alors qu’il purgeait une peine de prison pour… trafic de drogue! Avec un art consommé du récit, Richard Stratton nous emmène loin, très loin dans l’univers de la drogue qui s’étend malheureusement à tous les milieux socio-économiques existants. Une histoire stupéfiante qui met en scène des personnages et des situations à la fois crédibles et romanesques. Attention le récit est fort bien documenté mais l’auteur raconte avant tout une histoire, une histoire d'amour et de haine, une histoire de gangster triste qui dévoile une réalité atroce. Et c'est très bien écrit, dans un style simple, alerte, sans fioritures. Bref, un grand roman sur la drogue.

Richard Stratton, L'idole des camés, Rivages, 624 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Thierry Marignac, sorti en 1990 (Etats-Unis) 1996 (France) 

lundi 18 mai 2015

Ne lâche pas ma main, de Michel Bussi


Je n'aime pas trop les comparaisons mais au premier abord Michel Bussi me fait vraiment penser à Harlan Coben: des thrillers cousus main, haletants, sans temps mort, des "fast books", vite lus, vite dévorés, et vite oubliés. Rien de péjoratif là dedans, il faut également beaucoup de talent pour écrire de furieux page turners, impossibles à poser sans en connaître le dénouement. Des thrillers qu'on emmène à la plage, et qu'on déguste sur un transat, les doigts de pied en éventail, un mojito posé juste à côté, à portée de main... pas de prise de tête, du plaisir rapide et appréciable. Michel Bussi excelle  dans l'art de tisser des intrigues machiavéliques, pleines de suspense et de rebondissements improbables, dans Un avion sans elle et N'oublier jamais. Et ne lâche pas ma main, mon préféré, une course-poursuite haletante au cœur de l'île de la Réunion. 

Car en plus du suspense omniprésent, nous avons droit à un portrait socio-économique de cette île: chômage, inégalités sociales, violence, urbanisation anarchique... pas de prise de position de l'auteur, juste les faits et les conséquences. 

Aux antipodes de ce constat alarmant, l'auteur nous fait également découvrir les merveilles dont regorge cette île. En effet, les personnages de ce thriller traversent des paysages magnifiques, hallucinants, entre plages paradisiaques et volcans en activité... Bref, une île pleine de contrastes. Et un cadre idéal pour un thriller exotique réussi.

Michel Bussi possède aussi, comme Harlan Coben, cette gouaille qui fait le charme de ses romans. Un bagou et un humour très sympathiques très présents dans Ne lâche pas ma main, plus que dans ses précédents romans d'ailleurs. Au final, une histoire stupéfiante portée par des personnages attachants. Un très bon cru qui porte la marque d'un écrivain à succès.

Michel Bussi, Ne lâche pas ma main, Pocket, 439 pages, sorti en 2013.

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Elvis, Jésus et Coca-Cola, de Kinky Friedman


"A l'instar de tous les métros qui ne mènent nulle part, tapissés de graffitis et halés par la motrice de l'ennui, le train de la vie s'arrêterait dans un strident crissement de freins et tous les passagers devraient descendre de voiture. Tout le non-dit ou le non-fait oublié à bord serait dérouté sur Tuladanldo, Arizona." Cette phrase du livre représente pour moi un échantillon très représentatif de ce qui vous attend si vous lisez un roman du kinkster, alias Kinky Friedman. Un mélange d'humour décalé, grinçant et de poésie mélancolique à la Verlaine. Et une certaine vision alambiquée et cynique du monde. Elvis, Jésus et Coca-Cola est un pastiche de whodunit dans lequel Kinky Friedman se met lui-même en scène pour résoudre des pseudo-énigmes. Dans cet opus, il s'agit de retrouver un film, ou plutôt un documentaire sur les imitateurs d'Elvis Presley. 

Le réalisateur de ce film n'est autre que Tom Baker, dit la Boulange, qui vient de passer de vie à trépas. Surtout c'était un grand ami du kinkster. Mais mettre la main sur ce film qui a disparu va soulever quelques lièvres inattendus, et les cadavres vont s'accumuler. 

Voilà pour l'intrigue, ou plutôt le semblant d'intrigue. Oui je vous avertis tout de suite, l'intrigue est secondaire dans les polars de Friedman. En fait ce qu'il faut retenir de ce livre, c'est la recette de la salade au Coca-Cola (meuh oui ça existe !) que vous découvrirez dans les toutes dernière pages. Le reste c'est de la littérature. 


C'est ça un livre du kinkster, ça part dans tous les sens, c'est à prendre au troisième, voire au quatrième degré ! Dans les polars de Friedman, on rigole beaucoup, on accompagne l'auteur dans des situations improbables, on fait le plein de phrases désopilantes sorties tout droit de l'imagination passablement agitata du kinkster, qui avoue avoir consommé beaucoup de substances dites récréatives durant sa jeunesse de chanteur de Country ! 

Il est vrai que le style parfois très imagé de l'auteur peut en rebuter plus d'un, le kinkster n'est pas toujours d'une lecture évidente, je vous conseille d'enchaîner ses romans, de vous faire une série. Cela permet vraiment de vous habituer à son style désabusé, parfois mélancolique, mais tellement pétri d'humanité. Le kinkster a vraiment su imprimer sa "patte" dans l'univers si hétéroclite du roman policier. Une "patte" pleine d'auto-dérision !

Kinky Friedman, Elvis, Jésus et Coca-Cola, Rivages, 297 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Frank Reichert, sorti en 1993 (Etats-Unis) 1997 (France)


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Un jambon calibre 45, Carlos Salem

mercredi 13 mai 2015

Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous, de Laurie Lynn Drummond


Le quotidien des femmes policières raconté par une femme policière. Ou plutôt ancienne femme policière. Comme on dit, rien de tel que le vécu. On pouvait donc s'attendre à un portrait fidèle des réalités policières, d'une précision documentaire. L'auteure est allée encore plus loin en combinant avec virtuosité description clinique du travail de la police et intrigue romanesque : raconter une histoire, ou plutôt des histoires, tout en nous faisant connaître le métier de policière au quotidien. Et surtout nous captiver. Mission réussie !

Des histoires au pluriel donc, car ce roman est composé de dix nouvelles qui racontent la vie de plusieurs femmes, toutes policières à Baton Rouge, en Louisiane. 

L'auteure parvient très bien à faire ressortir le côté vraiment sombre du travail au quotidien d'un policier (que ce soit homme ou femme), et la capacité (ou non) à pouvoir prendre du recul par rapport à la violence et à la mort. Car ces hommes et femmes exercent leur métier au péril de leur vie, et ne rencontrent que des gens ayant des problèmes. Au bout d'un moment, ça peut peser lourd dans la balance psychique d'un individu normalement constitué ! le burn out des policiers est une réalité ! 

Laurie Lynn Drummond dresse, avec empathie, mais sans tomber  dans la facilité, les portraits de cinq femmes policières à travers dix récits poignants, et pétris d'humanité. J'ai littéralement dévoré ce roman très noir. L'écriture est à la fois nerveuse et sensible, les scènes crues et détaillées. Rien ne nous est épargné, l'auteur n'occulte pas la réalité parfois sordide à laquelle un agent des forces de l'ordre est confronté au quotidien. 

Laurie Lynn Drummond, Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous, Rivages, 384 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Isabelle Reinharez, sorti en 2004 (Etats-Unis) 2007 (France)

jeudi 7 mai 2015

L'évangile selon Satan, de Patrick Graham


Et si la foi catholique reposait sur un tissu de mensonges ? et si le monde entier, pas seulement l'église catholique, était menacé par une mystérieuse organisation secrète ? Cette secte est en tout cas prête à tout pour retrouver un livre maudit, confisqué depuis des siècles par l'église catholique: L'évangile selon Satan. Ce livre, s'il venait à être découvert, pourrait changer la face du monde et inaugurer un âge de ténèbres. Ce scénario fou est tout droit sorti de l'imagination de Patrick Graham. Et on peut dire que de l'imagination, Patrick Graham en a à revendre !

Avec ce premier roman érudit, Patrick Graham fait une entrée fracassante dans le thriller ésotérique, et s'affirme déjà comme un orfèvre du thriller "à l'américaine": c'est spectaculaire, c'est mené à un train d'enfer. Bref on en a pour son argent !

Patrick Graham fait preuve d'une grande dextérité dans la conduite de son récit, et mélange avec brio une multitude de genres: histoire, ésotérisme, thriller, fantastique, et complot politique. A partir d'un fonds documentaire solide, l'auteur tisse une intrigue passionnante pleine de rebondissements. L'évangile selon Satan est donc une totale réussite, une implacable mécanique qui balaie tout sur son passage. Il flotte autour de cette histoire une aura maléfique !

Patrick Graham, L'évangile selon Satan, Pocket, 672 pages, sorti en 2007.

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