lundi 27 juillet 2015

Dernière nuit à Montréal, d'Emily St. John Mandel


Dernière nuit à Montréal fait partie de ces romans noirs qui privilégient la complexité, voire la dureté des rapports humains, et qui se distinguent donc des purs romans criminels. Ce roman fiévreux, d'une beauté presque insoutenable, révèle une auteure pleine de talent, de sensibilité, et au stylisme exceptionnel. C'est une oeuvre frémissante de beauté où les destins s'enchevêtrent, avec pour thèmes la quête identitaire, le sens de la vie, et surtout la place qu'occupe la perte dans nos existences: perte d'un amour, d'une famille, de la confiance, de la vie. Une situation irrémédiable qui peut être très mal vécue, et qui rejoint le côté éphémère de toute chose. 



Emily St. John Mandel me fait penser à James Sallis au niveau de la construction de son roman: un récit à plusieurs voix, composé de chapitres plutôt courts, et avec de nombreux sauts dans le temps. Mais l'articulation du roman est parfaitement maîtrisée, et ajoute de l'originalité à cette histoire merveilleuse et tragique. Il y a également du Patrick Modiano chez cette auteure, au niveau de l'atmosphère trouble, "éthérée" qui caractérise ce roman très noir. L'écriture de l'auteure est très littéraire, d'une très grande qualité stylistique, mais pas du tout compliquée ou pompeuse. Le récit est très clair, très fluide, l'auteure retranscrit parfaitement les émotions et les sentiments de chacun, et fait preuve d'une grande finesse psychologique.

Enfin, même si on est loin des thrillers calibrés à multiples rebondissements, Emily St. John Mandel n'oublie pas de nous captiver. Celle-ci nous explique dans les toutes dernières pages du roman pourquoi un père a dû enlever en pleine nuit sa petite fille, pour ensuite lui faire mener une existence de fugitive sur les routes américaines. Des années de fuite qui conditionneront à jamais l'existence d'un être humain. Un roman bouleversant à plus d'un titre.

Emily St. John Mandel, Dernière nuit à Montréal, Rivages, 352 pages, traduit de l'anglais (Canada) par Gérard de Chergé, sorti en 2009 (Canada) 2012 (France)

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jeudi 23 juillet 2015

Le Royaume des perches, de Martti Linna


Ce court whodunit se déguste sans modération et d'une traite, en quelques heures. Un plaisir de lecture total, je ne me suis même pas rendu compte que j'étais déjà à la fin du livre. Tout y est: un décor insolite, une intrigue captivante, des personnages attachants et réalistes, et surtout une formidable originalité dans l'écriture. Un grand bravo aux traducteurs qui ont su parfaitement retranscrire l'univers et le style de l'auteur. Dépaysement garanti avec ce polar naturaliste, dont l'action se déroule principalement dans un camping au bord d'un lac finlandais, qui regorge de... perches. L'inspecteur Sudenmaa enquête sur la disparition soudaine de Hilkka, la femme d'Ilpo Kauppinen, un pêcheur taciturne littéralement obsédé par les perches. 


En apparence un polar tranquille à l'intrigue classique dans un décor typique de la Finlande, qui compte paraît-il des centaines de milliers de lacs ! Mais c'est sans compter sur l'écriture lumineuse et imagée de l'auteur. Celui-ci a su trouver l'équilibre parfait entre spleen désabusé et humour grinçant. Certains passages sont d'une profonde tristesse quand d'autres regorgent d'humour mordant. 

Enfin, l'intérêt du roman réside dans la personnalité complexe de son personnage principal, l'inspecteur Sudenmaa: un homme d'âge mur, profondément marqué par la vie, qui s'est réfugié dans son travail afin d'oublier un peu la difficulté de devoir élever seul sa fille de 14 ans. La mère étant partie avec son amant de toujours: l'alcool. Un terrible fléau qui n'épargne pas la Finlande, et qui a détruit la famille de Sudenmaa. Le Royaume des perches est donc une totale réussite, un roman pétri d'humanité.

Martti Linna, Le Royaume des perches, Babel, 240 pages, traduit du finnois par Paula et Christian Nabais, sorti en 2007 (Finlande) 2013 (France)

lundi 20 juillet 2015

La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert, de Joël Dicker


"Un bon livre, Marcus, est un livre que l'on regrette d'avoir terminé." Comme cette phrase sonne juste, et fait totalement écho à une émotion que je ressens lorsque je termine la lecture d'un très bon livre. Les personnages auxquels je me suis attaché me manquent déjà, ainsi que les mots de l'auteur et l'atmosphère du livre... Bref j'aurais voulu que ça continue. Pourtant, ici, on parle d'un pavé de plus de 850 pages dans sa version poche. C'est ça qui est fort. On en redemande encore. Quel monument ce livre ! Whodunit, roman de critique sociale, roman d'apprentissage aussi. Tant de thèmes abordés, et tant d'objectifs atteints par ce jeune auteur plein de vitalité ! 

Premier objectif: divertir le lecteur, le captiver du début à la fin. L'auteur tisse une intrigue complexe, machiavélique, pleine de rebondissements, dont la résolution finale interviendra dans les toutes dernières pages. Il vous faudra donc passer par toute une gamme d'émotions intenses avant de connaître la réponse à cette question: qui a  tué Nola Kellergan ? Été 75, dans une petite ville américaine: Harry Quebert, un jeune écrivain de 34 ans en mal d'inspiration, rencontre enfin sa muse en la personne de Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans. Un amour interdit, secret, qui finira mal: la jeune fille disparaît mystérieusement. 33 ans après, ses restes sont retrouvés dans le jardin de la maison d'Harry Quebert, coupable tout désigné du meurtre. Marcus Goldman, son "fils spirituel", également jeune écrivain en mal d'inspiration, va s'efforcer de faire la lumière sur toute cette affaire, au sein d'une bourgade à l'atmosphère viciée. Une expérience éprouvante, au final hallucinant !

Deuxième objectif: faire réfléchir le lecteur, en appeler à son sens critique. Car cette fresque est plus qu'un simple thriller, c'est aussi un constat subtil et sans concession de l'Amérique d'aujourd'hui: une société de consommation à outrance qui vit uniquement dans le moment présent, l'instantané. Car tout va toujours plus vite avec internet. Dans ce contexte, même la création littéraire devient un bien marchand comme les autres, faisant l'objet de campagnes marketing agressives. 

Pour vendre un livre, il faut créer le "buzz", faire du sensationnel, se démarquer de cette "nasse informationnelle illimitée". En outre, l'importance de l'image que l'on renvoie et la crainte du qu'en-dira-t-on prennent le pas sur la personnalité spirituelle, et ce aussi bien à New York qu'à Aurora. Et donc la question de la liberté des individus peut se poser au sein d'un conformisme ennuyeux. 


Enfin, j'ai perçu ce livre comme un hommage grandiose au métier d'écrivain, une démonstration du pouvoir immense de l'écriture, et de la force de l'imagination. Si vous avez commencé l'écriture d'un roman, vous puiserez dans ce livre beaucoup d'enseignements utiles pour mener à bien cette entreprise ! 

Joël Dicker, La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert, Editions De Fallois, 854 pages, sorti en 2012.

Du même auteur sur ce blog:
La Disparition de Stephanie Mailer

Je vous conseille aussi:

Bestseller, Jesse Kellerman 
Dernier été pour Lisa, Valentin Musso
Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, Stieg Larsson 

mercredi 15 juillet 2015

L'étoile du diable, de Jo Nesbø


There's a killer in the streets of Oslo ! Si vous voulez en savoir plus sur la société norvégienne, et si vous avez envie de lire un serial killer thriller bien mené et riche en rebondissements, alors n'hésitez plus, L'étoile du diable est pour vous. Exotique, mené à un train d'enfer, ce roman scandinave est un mélange réussi de thriller bien saignant et de roman noir. Et surtout, faites connaissance avec l'inspecteur Harry Hole, figure désormais mythique de la littérature policière contemporaine. 

Un personnage complexe qui vaut le détour, un flic solitaire, désabusé, plein de problèmes que ce soit avec l'alcool, les femmes, les autres flics.... mais un flic intègre, une véritable bombe humaine au service de la vérité, sorte d'inspecteur Harry version nordique. 

L'étoile du diable séduit également par son intrigue taillée au couteau, bien ficelée, pleine de rebondissements et de scènes chocs. Au menu, un tueur en série retors et une affaire de corruption policière. Et un dénouement assez sanglant.
 

Ce roman est également une réflexion sur l'évolution de la société norvégienne, et sur les mutations urbaines qui caractérisent Oslo. Jo Nesbø n'est pas tendre avec ses compatriotes, c'est le moins que l'on puisse dire. Un polar nerveux et dépaysant. Avec des noms de rues imprononçables !

Jo Nesbo, L'étoile du diable, Folio, 592 pages, traduit du norvégien par Alexis Fouillet, sorti en 2002 (Norvège) 2006 (France)

Du même auteur sur ce blog:

Je vous conseille aussi:

Coup de froid, Lynda La Plante
La patience du diable, Maxime Chattam

vendredi 10 juillet 2015

Les Neuf Cercles, de R.J. Ellory


C'est bien simple, je me suis évadé dès les premières lignes du livre. Décidément R.J. Ellory parvient à maintenir une grande qualité au niveau de ses écrits, il réussit à chaque fois à captiver le lecteur tout en l'incitant à la réflexion. Que demander de mieux? Cette fois-ci, l'auteur ouvre une minuscule fenêtre spatio-temporelle, et nous renvoie en 1974, au fin fond du Mississippi, dans une petite bourgade typique du Deep South américain. Une plongée saisissante dans l'après-Vietnam, car cette guerre menée et perdue par les américains aura laissé des traces terribles dans le psychisme des individus. C'est le cas pour le personnage central de cet implacable thriller psychologique: John Gaines, vétéran du Vietnam et shérif de Whytesburg, une petite ville du Mississippi en apparence sans histoire. 

Jusqu'à la découverte d'un cadavre enterré sur les berges de la rivière. La morte est rapidement identifiée, il s'agit d'une jeune fille qui avait mystérieusement disparu vingt ans plus tôt. John Gaines n'est pas au bout de ses surprises, il va devoir plonger tête la première dans les méandres tortueuses de la psychologie humaine. C'est le début d'une enquête subtile, pleine de rebondissements, et l'identité du coupable sera dévoilée dans les toutes dernières pages du livre.

Les neuf cercles est donc un suspense captivant de bout en bout, un thriller psychologique très fouillé, mais pas seulement. L'auteur décrit et dénonce les atrocités qui ont été commises durant cette guerre abominable. Certains passages du livre sont d'ailleurs éprouvants, âmes sensibles s'abstenir! Ellory nous montre que tous ces soldats ne pouvaient pas revenir indemnes, tant physiquement que mentalement, d'un tel enfer. 

Son personnage central John Gaines en est le triste exemple: un homme brisé, hanté par ce qu'il a fait, et incapable de se reconstruire socialement, de fonder une famille... bref d'être heureux! Le chemin vers la rédemption et le retour à une vie normale sera long pour ce shérif qui s'est totalement réfugié dans son travail. Enfin, L'auteur retranscrit parfaitement l'atmosphère moite et viciée d'une petite bourgade du Sud profond américain, où le racisme et les préjugés sont encore très présents chez les habitants. Une réussite de plus pour ce très grand auteur qu'est R.J. Ellory.

R.J. Ellory, Les Neuf Cercles, Sonatine, 450 pages, traduit de l'anglais par Fabrice Pointeau, sorti en 2013 (Royaume-Uni) 2014 (France)

jeudi 9 juillet 2015

Mauvaise étoile, de R.J. Ellory


R.J. Ellory possède ce don d'embarquer le lecteur dès la première page pour ne plus le lâcher, le maintenant en apnée avec son stylisme hors pair, et la puissance dramatique de son écriture. Cette fois-ci, il nous offre une fresque épique et violente, un suspense sanglant dans le Grand Ouest désertique américain. Une histoire poignante qui raconte le destin de deux jeunes frères. Car dans la vie, il suffit d'une seule rencontre pour sceller toute une destinée. La rencontre en question s'appelle Earl Sheridan, un psychopathe qui sème la terreur et surtout les cadavres dans le Texas des années 60. Elliott et Clarence sont des "mal partis", deux jeunes frères qui n'ont pas eu la chance de grandir dans une famille unie et aimante. Et la malchance va se poursuivre puisque ces deux garçons en fuite vont être pris en otage par Sheridan. 

Une rencontre fatale qui va conduire à la séparation des deux frères, dans tous les sens du terme. S'ensuivra une odyssée sanglante, un chant de démence et de sang, un road-trip étouffant et éprouvant. 

La force de ce roman puissant ne réside pas dans l'originalité de son intrigue plutôt classique, mais bien dans la psychologie fouillée des personnages, et dans la façon dont l'auteur raconte son histoire: avec brio, finesse, panache et une sensibilité incroyable. Le ton est toujours juste, le suspense savamment dosé. Ce livre vous prend à la gorge, et vous retourne les tripes. Certains passages atteignent des sommets d'intensité dramatique, notamment lorsque le mal se réveille chez l'un des deux frères. D'ailleurs, l'origine du mal chez l'être humain est une question qui obsède bien des auteurs de romans noirs. Pour R.J. Ellory, Une des réponses serait l'innocence bafouée, corrompue chez l'enfant. De ce constat, il en a tiré un roman passionnant et émouvant de bout en bout.

R.J. Ellory, Mauvaise étoile, Le Livre de Poche, 591 pages, traduit de l'anglais par Fabrice Pointeau, sorti en 2011 (Royaume-Uni) 2013 (France)


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