vendredi 30 octobre 2015

La cavale de l'étranger, de David Bell


Bien calé dans mon fauteuil, j'ai commencé à lire ce court suspense à 23 heures hier soir. Je n'ai pas bougé d'un millimètre de mon fauteuil pendant une heure, le temps qu'il m'a fallu pour dévorer ce magnifique roman. Un récit court mais qui a le temps de dégager une puissance et une authenticité rares. Quel plaisir de lecture, et quel grand écrivain, dont je viens de commander Fleur de cimetière, et Un lieu secretJ'ai été captivé, happé par le récit de cet auteur surdoué, dont l'écriture est parfaitement restituée par la traductrice. Un style simple, épuré, limpide, un peu dans la lignée d'un William Bayer ou d'un Craig Holden. David Bell sait raconter une histoire et captiver son lecteur, il a le "fluide", le talent pour écrire des histoires prenantes et camper des personnages auxquels on s'attache de suite. J'étais franchement ému à la fin de l'histoire.

La cavale de l'étranger est un suspense qui permet à l'auteur d'aborder, avec une très grande sensibilité, le thème de la relation père-fils, avec en filigrane la recherche du temps perdu. Je n'en dis pas plus, d'autant qu'il y a une interview de l'auteur à la fin du livre, très intéressante. Enfin, j'y ai vu également un hommage à la lecture. Comme disait un célèbre comique de l'hexagone: "Il faut lire public, évade-toi!" Bref, procurez-vous vite ce roman pétri d'humanité, qui permet de découvrir un auteur très talentueux. La fin arrive trop vite, j'aurais aimé que cela continue !

David Bell, La cavale de l'étranger, Ombres Noires, 126 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Claire-Marie Clévy, sorti en 2015 en France.

lundi 26 octobre 2015

Criminal loft, d'Armelle Carbonel


C'est LE thriller français de cette fin d'année 2015, à ne surtout pas louper. Un furieux page turner impossible à poser avant la toute dernière page. Quelques jours après en avoir fini la lecture, je suis encore sous le choc, tant l'impact des mots d'Armelle Carbonel est énorme. Criminal loft est un thriller très sanglant et très noir, avec une intrigue taillée au couteau. Dès le début, c'est tendu, c'est nerveux, et la tension monte au fil des pages. Tous les ingrédients du très bon thriller sont réunis, attention cardiaques s'abstenir, Criminal Loft ça fait peur, très peur.

"Nous ne sommes que des pions sur l'échiquier du diable, manipulés par un marionnettiste invisible au dessein bien trop prévisible: forcer les portes de notre conscience sadique, en extraire la fange. L'étaler devant des milliers de téléspectateurs fascinés par la mort et l'horreur qu'engendre l'art d'ôter la vie." Huit psychopathes condamnés à la peine de mort, enfermés dans un sanatorium abandonné, véritable lieu de démence et de sang. Huit candidats sélectionnés pour participer à un reality show version très destroy!! Chaque semaine, le public américain élimine un candidat, et à la fin il n'en restera qu'un, celui ou celle qui échappera à l'injection létale. Le pire de la télé-réalité, ou plutôt de la télé-manipulation ! 

Armelle Carbonel brosse un huis clos étouffant, et nous fait entrer dans la tête d'un serial killer, puisque c'est un des huit candidats qui raconte l'histoire. Un récit à la première personne donc, qui nous plonge dans l'horreur à l'état pur. Un véritable tour de force pour Armelle Carbonel qui fait preuve d'une remarquable finesse psychologique et d'une implacable lucidité. Il fallait un sacré courage pour se mettre à la place d'un serial killer. C'est saisissant et surtout terrifiant. 

Enfin, frissons et hémoglobine garantis, avec en toile de fond une critique acerbe et malheureusement lucide de ce qu'est en train de devenir une société ultra-médiatisée. Frontal et spectaculaire, Criminal loft est un premier thriller très bien écrit, qui révèle une écrivaine de tout premier ordre.

Armelle Carbonel, Criminal loft, Editions Bragelonne, 480 pages, sorti en 2015.

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jeudi 15 octobre 2015

L'enfer de Church Street, de Jake Hinkson


Ce que j'ai aimé dans ce livre avant tout, c'est que l'auteur nous fait entrer immédiatement dans le vif du sujet, droit au but. C'est vif, c'est nerveux, c'est direct, tout de suite, dès les premières pages. Et ensuite, il n'y a plus qu'à dérouler, jusqu'à la fin qu'on ne voit même pas venir, tellement on est littéralement scotchés par cette histoire. Celle de Geoffrey Webb, l'aumônier, en apparence inoffensif, d'une petite ville de l'Arkansas. Pour son premier roman, noir comme le cauchemar, Jake Hinkson frappe très fort. A travers la terrifiante confession de son personnage central Webb, ce jeune auteur met littéralement en pièces le rêve américain: critique acerbe de la religion quand celle-ci n'est finalement qu'un business comme les autres, mais surtout constat sans concession de l'hypocrisie et de la violence qui peuvent régner au sein d'une petite ville de l'Upper South américain. Il faut que je revienne également sur le style d'écriture de l'auteur, qui sait raconter une histoire, et captiver son lecteur. Car il fallait un sacré souffle pour écrire cette histoire, qui sent la poudre et l'atmosphère viciée d'une petite ville de l'Amérique profonde. Le style est simple, alerte, incisif, le récit est fluide, sans temps mort, composé de chapitres courts. On pense à Jim Thompson, Larry Brown, ou plus récemment Daniel Woodrell.

Oui, la noirceur prédomine, aucun doute là-dessus, mais l'auteur a su aussi insuffler à son récit de l'humanité, de la compassion, voire même une certaine empathie. Avec une pointe d'humour... bien cynique. Pourtant son personnage est une vraie pourriture, un psychopathe de la pire espèce, le diable au milieu des soi-disant vertueux. Mais bien sûr, dans la vie tout n'est pas blanc d'un côté, et noir de l'autre. Geoffrey Webb ne peut pas susciter que de la haine, ou du dégoût. C'en est destabilisant, dérangeant même, ça remue des choses en nous lecteurs. Mais c'est ça qui est bon finalement, car si on ne ressent rien à la lecture d'un livre, ce n'est même pas la peine de continuer. Et Hinkson parvient à nous transmettre beaucoup d'émotions. Un écrivain de talent, très prometteur. 

Jake Hinkson, L'enfer de Church Street, Gallmeister, 240 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Sophie Aslanides, sorti en 2012 (Etats-Unis) 2015 (France)

Du même auteur sur ce blog:
Sans lendemain

Je vous conseille aussi:

Corrosion, Jon Bassoff
Ceci est mon corps, Patrick Michael Finn

lundi 12 octobre 2015

Un froid d'enfer, de Joe R. Lansdale


"Je suis kidnappé par des aliens... pensa-t-il. Et je vais me retrouver sur une table d'opération avec des pinces à salade pour m'écarter les fesses, et un doigt d'extraterrestre, froid et humide, planté dans le fion..." Cette phrase résume bien l'état d'esprit qui règne dans ce polar décalé à souhait. Vous l'aurez deviné, Lansdale, l'auteur culte texan, ne fait jamais dans la dentelle, son style est cru, alerte et percutant. C'est un formidable conteur, capable de vous embarquer dans des histoires bien tordues, et parfois franchement noires aussi. 

Ici, dans Un froid d'enfer, on est plus dans le polar décalé, déjanté, que dans le pur roman noir. Même si l'histoire de Bill, l'anti-héros de ce livre, est au final assez cruelle et totalement désenchantée. 


Sur le fond, ce conte moderne raconte les aventures d'un vrai looser, un jeune raté du nom de Bill Roberts. Dans l'ordre, le Bill en question garde le cadavre de sa mère dans la baraque familiale pour continuer à toucher les allocations de retraite de cette dernière. La combine marcherait, si notre Bill savait imiter correctement la signature de la vieille pour pouvoir encaisser les chèques... Alors du coup il braque avec d'autres potes aussi loosers que lui une cabane à pétards la veille de la fête nationale américaine. Mais bien sûr, ça foire, le pauvre Bill s'enfuit, poursuivi dans le bayou par un shérif coriace, pour finalement atterrir dans une foire aux monstres, dirigée par un certain Frost et sa compagne Gidget. Et après, c'est sauve-qui-peut, et un "pas happy end" du tout pour Bill ! 

Sur la forme, avec Lansdale, on est plus dans la verve d'un Jean-Marie Bigard au mieux de sa forme, que dans celle plus raffinée d'un Pierre Palmade. C'est "franc du collier", c'est direct, c'est teigneux, c'est texan quoi! Et bien sûr, on retrouve l'influence des comics (Lansdale est scénariste de comics). Celui-ci a d'ailleurs battu son record personnel du nombre de scènes de cul torrides dans un même livre! La testostérone de l'ami Joe devait être à son maximum au moment de l'écriture. Ne vous fiez donc pas au titre du livre, c'est chaud bouillant à tous les niveaux! Au final, Un froid d'enfer, c'est Adam et Eve revisités à la sauce destroy. Et ça se lit avec grand plaisir, comme toujours avec Lansdale.

Joe R. Lansdale, Un froid d'enfer, Folio, 320 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Bernard Blanc, sorti en 1999 (Etats-Unis) 2008 (France)

Du même auteur sur ce blog:
Juillet de sang ; Les marécages

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Comment j'ai trouvé un boulot, Jim Nisbet 

vendredi 2 octobre 2015

Jusqu'à ce que mort s'ensuive, de Roger Martin


Quelle claque ce livre ! Un mélange explosif de polar historique et de thriller politique. Un furieux page turner impossible à poser avant la dernière page. On prend du plaisir à la lecture de ce récit très fluide, rondement mené, et en plus on apprend des choses. C'est tout un pan peu glorieux de l'histoire récente des Etats-Unis qui est dévoilé dans ce livre, au travers d'une enquête passionnante et pleine de rebondissements. Douglas Bradford est un jeune afro-américain plein d'avenir qui a grandi dans une famille aisée d'Atlanta: un père qui est dirigeant chez Coca-Cola, et une mère poule attentionnée qui a jeté son dévolu sur son seul et unique enfant. La mère et le fils sont complètement effacés et assujettis au patriarche, un républicain pro-bush aux valeurs rigides pleines de préjugés en tout genre. Douglas grandit dans une enclave sécurisée pour riches, une prison de verre, une bulle déconnectée de la réalité. Tout cela va voler en éclat lorsque Douglas apprend que son admission à l'académie militaire a été rejetée. Au départ, il soupçonne une intervention de son père, farouchement opposé à son engagement dans l'Armée. Mais la vérité est toute autre. Poursuivi par les services secrets américains, Douglas va enquêter sur un passé familial très chargé, et mettre à jour au péril de sa vie une incroyable vérité historique. Une fabuleuse quête initiatique, de Pittsburg en Pennsylvanie jusqu'aux plages normandes, en passant par la Belgique.

Roman d'apprentissage qui raconte le passage à l'âge adulte mouvementé d'un jeune américain, implacable suspense politique, mais surtout polar historique de haute volée, Jusqu'à ce que mort s'ensuive est une totale réussite. Il y a parfois quelques maladresses d'écriture, certaines phrases sont un peu trop longues, mais dans l'ensemble, c'est bien écrit. Le rythme du récit est soutenu, le suspense est savamment dosé, on découvre petit à petit la vérité, et on suit avec bonheur les aventures de l'attachant Douglas. Du tout bon !

Roger Martin, Jusqu'à ce que mort s'ensuive, Pocket, 480 pages, sorti en 2008.

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Un long moment de silence, Paul Colize
Rompre le silence, Mechtild Borrmann
Le Violoniste, Mechtild Borrmann