vendredi 26 avril 2019

Le vide, de Patrick Senécal


Avertissement, vous qui entrez dans Le vide, laissez toute espérance, et préparez-vous à vivre une longue expérience éprouvante. Le vide est un thriller spectaculaire, riche en suspense et en rebondissements, mais c'est surtout et avant tout un roman noir terrifiant, un constat accablant, sans concession de la société québécoise, dressé par un auteur qui ne nourrit plus aucune illusion sur l'espèce humaine. Pour l'instant, c'est mon polar canadien préféré, et de très loin. Et pourtant ce pays immense ne manque pas d'écrivains talentueux dans le domaine du noir: Martin Michaud, Chevy Stevens, Linwood Barclay, ou encore Shari Lapena. c'est vous dire le niveau de ce roman puissant, choquant, titanesque. 925 pages dans sa version poche, en petits caractères, mais ne vous laissez surtout pas impressionner par le nombre de pages, car vous ne les verrez de toute façon pas passer !

Le vide est une totale réussite tant sur le fond que sur la forme, c'est le chef d'oeuvre de cet auteur québécois à part qu'est Patrick Senécal, véritable agitateur de conscience. En démontrant la possibilité de mêler téléréalité, psychologie, sociologie et enquête policière dans une oeuvre effrayante de réalisme où les destins s'enchevêtrent, Patrick Senécal offre ici un roman hors norme. Une histoire stupéfiante, effroyable mettant en scène des personnages forts. J'en retiendrai quatre: Max Lavoie, présentateur de l'émission de téléréalité "Vivre au max", qui bat tous les records d'audience au Québec. Un personnage énigmatique et inquiétant, qui voue une haine de plus en plus destructrice envers ses congénères ; Ensuite, il y a Frédéric Ferland, qui exerce le métier de psychologue, un éternel insatisfait qui n'a plus goût à rien, et dont l'indifférence chronique se transforme petit à petit en inquiétante pathologie ; Puis il y a Pierre Sauvé, le flic, qui se réfugie dans son travail afin d'oublier ses échecs personnels ; Et enfin il y a Chloé Dagenais, sa partenaire, l'éternelle optimiste qui voit toujours le verre à moitié plein, c'est la bouffée d'oxygène de ce roman très dur. La lueur d'espoir dans un océan de noirceur. Max, Frédéric, Pierre, Chloé, les quatre acteurs principaux d'une intrigue étouffante, d'une machination diabolique. L'auteur nous emmène loin, très loin dans les méandres tortueux de la psyché humaine, jusqu'au dénouement spectaculaire, terrible, qui atteint des sommets d'intensité dramatique rarements atteints dans le polar contemporain.

Sur la forme, l'auteur montre une maîtrise impressionnante dans la conduite de son récit. Je trouve que c'est très bien écrit dans un style simple, alerte, essentiellement centré sur la psychologie et les actions des personnages. Il y a très peu peu de descriptions détaillées des lieux. Et bien évidemment, on retrouve avec bonheur quelques expressions québécoises. 

Enfin, la construction impeccable, parfaitement ficelée, du récit constitue la force principale de ce roman. Tout est expliqué par l'auteur au début du livre: "Le déroulement du roman n'est donc pas chronologique et il faut le lire dans l'ordre des pages. Si vous le lisez dans l'ordre habituel des chapitres, l'effet de thriller ne fonctionnera pas, il n'y aura plus de suspense car vous apprendrez certains éléments du passé et certaines caractéristiques des personnages trop tôt dans votre lecture. J'aurais pu laisser tomber la numérotation des chapitres et les gens auraient compris qu'il s'agissait tout simplement de flash-back, mais cette numérotation, pour le lecteur pointilleux et fan de structure, permet de situer chaque chapitre par rapport à l'autre." On passe donc du chapitre 21 au chapitre 8, puis au chapitre 22 pour revenir au chapitre 1 etc... mais tout est clair, limpide, précis, et surtout captivant. Alors n'attendez plus et allez vite vous procurer ce chef d'oeuvre, grosse claque émotionnelle en perspective !

Patrick Senécal, Le vide, Pocket, 925 pages, sorti en 2007 (Québec) 2015 (France)

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2 commentaires:

MICHEL DURAND a dit…

Bonjour Pietro,
C'est la première fois que je ne suis pas en accord avec vos conseils.
J"ai entamé ce livre il y a déja quelques temps et je n'arrive pas à le terminer. je m'arrête donc à la page 622.
Ce n'est pas tant le style page turner qui m'ennuie, mais plutôt le manque de consistance de l'intrigue et la fatuité des digressions sur le monde de l'entreprise et du spectacle. A la page 622 j'ai le sentiment que 100 pages auraient été amplement suffisantes.
Tout se passe comme on peut l'imaginer et les chapitres défilent sans qu'à aucun moment je ne sois surpris. Pas de montée d'adrenaline en vue.
Franck Tilliez mentionne à propos du livre "Ma claque littéraire de ces dernières années!", mais qu'il se rassure, pour moi Patrick Sénécal est bien loin d'avoir atteint son degré de maitrise et d'intensité dramatique.
Bien cordialment et encore une fois merci pour la qualité de votre site.
Michel Durand


Les conseils polars de Pietro a dit…

Bonjour Michel,
J'ai lu ce polar il y a presque trois ans, mais je me rappelle avoir très bien accroché au style d'écriture de l'auteur. J'avais également été séduit par la construction plutôt originale du récit. Merci encore pour vos compliments sur mon blog c'est très appréciable. Bien à vous. Pietro