jeudi 18 avril 2024

La nuit des fous, d'Anouk Shutterberg

 

Classique et efficace sont les deux termes qui me viennent immédiatement à l'esprit pour qualifier ce thriller, le premier que je lis de cette autrice. Deux récits qui se déroulent en parallèle, et finissent par se rejoindre dans un dénouement à suspense. D'un côté, on a Elise, une jeune trentenaire handicapée qui découvre, à la mort de son père, l'existence d'une tante. Tante qui vit avec son étrange mari dans une ferme perdue en pleine campagne. Elise décide de leur rendre visiste. De l'autre côté, on a le tourmenté commandant Jourdain, accompagné de son équipe et d'une psy, qui enquête sur un cold case à Dole, dans le Jura. Le tout forme un thriller, riche en suspense en en rebondissements, écrit au présent, dans un style très cinématographique. L'autrice ne lésine pas sur le romanesque, c'est le moins que l'on puisse dire. 

La nuit des fous est un page-turner plutôt bien ficelé, un roman à suspense prenant du début à la fin. Globalement, l'autrice montre une bonne maîtrise dans la conduite de son récit. Pour ce faire, elle s'appuie notamment sur une connaissance approfondie des méthodes d'investigation policières. Au final, un thriller divertissant à mettre dans ses valises pour les vacances. 

Anouk Shutterberg, La nuit des fous, Récamier, 362 pages, sorti en 2023. 

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mercredi 10 avril 2024

La guerre est une ruse, de Frédéric Paulin

 

La guerre est une ruse fait partie de ces romans noirs dont j'entends parler depuis longtemps. Et toujours en bien. C'est le premier volet d'une passionnante et palpitante trilogie politico-historique. En effet, je ne peux que donner un avis très positif sur cet excellent roman, qui remet en lumière tout un pan de l'histoire récente de l'Algérie. Et plus précisément, les années 90, une décennie sanglante, terrible, une décennie de guerre civile, des luttes de pouvoir entre les islamistes, l'armée, des puissances étrangères, et des centaines de milliers de morts dans des attentats et des camps de concentration en plein désert. Une décennie marquée par le chaos, la terreur, et le flou. C'est ce que j'ai aimé dans ce livre qui respire l'intelligence et la connaissance des faits historiques. L'auteur ne tombe jamais dans la facilité, ni dans une vision trop manichéenne des événements. 

Car oui, la guerre est une ruse, une saloperie de ruse. Et bien évidemment, il n'y a pas les gentils militaires d'un côté et les méchants terroristes de l'autre, ce serait trop facile, la réalité est beaucoup plus complexe et cynique. Une réalité remarquablement restituée par un auteur confirmé qui maîtrise son art à la perfection. 

Au final, un mélange totalement réussi de fresque historique, de roman noir social et de thriller politique. Mais aussi une intrigue palpitante à suivre, et mettant en scène des personnages très fouillés et d'un réalisme bluffant. Sur la forme, c'est vraiment bien écrit dans un style alerte et tranchant. Bref, j'ai été totalement séduit par ce roman, qui a du caractère et de la profondeur. Je lirai les deux autres opus de la trilogie. 

Frédéric Paulin, La guerre est une ruse, folio policier, 446 pages, sorti pour la première fois en 2018. 

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lundi 25 mars 2024

En moi le venin, de Philippe Hauret

 

Patron, servez-moi un roman noir, serré et goûtu de Philippe Hauret. Le goût acide du venin qui empoisonne les veines des personnages de ce livre. Des personnages qui vivent au jour le jour, englués dans une société malade toujours plus fracturée, morcelée, individualiste. Une société qui ne porte plus aucun projet commun à long terme, et qui valorise uniquement une réussite immédiate, matérielle et financière. 

En moi le venin est donc un récit à plusieurs voix qui dresse le portrait au vitriol d'une ville moyenne de la France d'aujourd'hui entre chômage, insécurité, montée des extrémismes, et uniformisation du paysage. On y trouve un ancien flic revenu dans sa ville natale pour enterrer ses parents et vider la maison familiale. 

L'occasion pour lui de renouer avec Esther, son amour de jeunesse, qui n'a jamais quitté la ville, n'a pas fondé de famille, et occupe actuellement le poste de directrice de campagne de Maxence Reynaud, candidat aux prochaines élections municipales. Sorte d'obsédé sexuel, estampillé droite identitaire, mais qui promet tout et n'importe quoi pour se faire élire. Un personnage déstestable qui ne sert que ses propres intérêts, et qui est soutenu par le caïd local, Valéry, officiellement patron d'une discothèque, et officieusement proxénète. 

Un sinistre personnage pour qui la petite délinquance est un problème pour la bonne marche de son business, alors, encore une fois, par pur intérêt personnel, il va soutenir une pourriture. La fin justifie les moyens. 

Et puis il y a Ben, dont la grande misère affective et sexuelle le conduit à prendre pour femme de substitution une poupée gonflable ; Cécile, une mère célibataire et dépressive qui subit du harcèlement sexuel de la part de son patron ; Et Chana, une jeune polonaise victime de prostitution forcée. 

Et tous ces destins vont finir par s'enchevêtrer pour le pire. Tous ces personnages représentatifs d'une France périurbaine déboussolée. Au final, un roman noir social - on est très loin du thriller commercial calibré - écrit dans un style économe et limpide, sans gras, sans fioritures. J'avais bien aimé Je suis un guépard qui s'inscrit dans la même veine. J'ai également bien aimé celui-ci. 

Philippe Hauret, En moi le venin, Jigal Polar, 223 pages, sorti en 2021. 

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lundi 18 mars 2024

La Cour des mirages, de Benjamin Dierstein

 

Avertissement. Vous qui entrez dans La Cour des mirages, laissez toute espérance, et préparez-vous à vivre une expérience éprouvante et terrifiante, une descente aux enfers sans retour possible, une plongée abyssale dans les bas-fonds de la nature humaine. Bienvenue dans La Cour des mirages, ou plutôt la cour des cauchemars, la cour des damnés, la cour de l'horreur. Benjamin Dierstein a trempé sa plume dans l'acide pour conclure une trilogie décapante, décoiffante, et noire comme le cauchemar. Une trilogie qui fera date dans l'histoire du polar. Et que je recommande de lire dans l'ordre chronologique, et tout particulièrement dans le cas de La cour des mirages dont l'intrigue est étroitement liée à celle de La Sirène qui fume. Mais je le répète, âmes sensibles s'abstenir, car on est clairement dans le domaine du polar très très très noir.

Un Benjamin Dierstein survolté nous oblige, une nouvelle fois, à regarder bien en face l'intolérable, l'indicible, au travers d'une intrigue complexe, touffue, taillée au couteau, qui mêle pédocriminalité, prostitution de luxe et magouilles politico-financières. Une intrigue étouffante à la sauce Dierstein. Une sauce très relevée, très épicée, qui ne manque pas de piquant. Vénéneux le piquant !

Car c'est ça la Dierstein Touch, un style direct, frontal, sans fioritures, très visuel, très cinématographique. Une narration au présent qui donne une vivacité hors du commun à ce récit "ellroyesque". Une histoire vécue et racontée par deux personnages, Laurence Verhaegen et Gabriel Prigent, deux écorchés vifs qui ont franchi depuis bien longtemps la ligne rouge. 

Au final, un polar teigneux, suffocant qui nous emmène loin, très loin dans les méandres tortueux de la psyché humaine, l'oeuvre au noir d'un écrivain continuant à raconter ses histoires criminelles comme un cowboy qui entrerait dans un saloon en défonçant la porte à coups de batte de Base-ball. Monumental ! 

Benjamin Dierstein, La Cour des mirages, Points, 820 pages, sorti pour la première fois en 2022.

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mardi 5 mars 2024

De nulle part, de Claire Favan

 

Avec son style incisif et tranchant, Claire Favan parvient toujours, dès les premières phrases lues, à m'embarquer dans ses histoires criminelles. Cette autrice désormais confirmée n'a guère d'équivalent dans la capacité à échafauder des intrigues diablement addictives et à camper des personnages forts. Souvent issus de milieux sociaux défavorisés, ou, en tout cas, peu épargnés par la rudesse de la vie. De nulle part ne déroge pas à cette régle, bien au contraire. Par contre, c'est l'un des rares romans de l'autrice dont l'action ne se déroule pas aux Etats-Unis mais en France. Et plus précisément en région parisienne. Mais pour le reste, Claire Favan nous a concocté son habituel cocktail à base de roman noir social et de suspense psychologique diabolique. Et l'autrice frappe très fort d'entrée de jeu, dès les premières pages, avec un abandon d'enfants suivi d'un suicide. 

Car oui on peut le dire, De nulle part est avant tout une histoire de destins, de trajectoires, de chance et de malchance. Deux nouveaux-nés, des jumeaux abandonnés à leur naissance. La chance pour l'un, qui grandira dans une famille riche. La malchance pour l'autre, qui sera ballotté de foyers sordides en familles d'accueil parfois violentes et dysfonctionnelles. Les deux frères finiront par se retrouver vingt ans plus tard, mais pour le pire. Car le réel finit toujours par nous rattraper. 

Je ne vous en dis pas plus et vous laisse le soin de dévorer ce thriller captivant, dont les multiples rebondissements se doublent d'un portrait effroyablement réaliste de cette jeunesse confiée à la protection de l'enfance. Manque de moyens matériels et humains, formation du personnel insuffisante ou inadéquate, difficultés à recruter des personnes motivées, abus en tout genre, omertà sur les violences commises dans certains foyers, le constat dressé est terrible. 

Claire Favan, De nulle part, Harper Collins poche, 336 pages, sorti pour la première fois en 2022. 

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mardi 20 février 2024

La Faille, de Franck Thilliez

 

Avec cette nouvelle enquête du duo mythique Hennebelle/Sharko, le maître du suspense horrifique s'attaque au plus grand mystère de l'humanité, à l'ultime désordre : la mort. Je me permets de reprendre les propos très évocateurs de l'auteur : "Après vingt ans à côtoyer la Faucheuse, il était enfin temps de lui accorder la vedette, la laisser prendre l'ascendant sur le romancier, accaparer chacune de ces pages, et nous entraîner dans sa danse macabre, avec son grand sourire trompeur, comme elle sait si bien le faire." 

L'auteur a donc construit une intrigue touffue, complexe, aux multiples ramifications autour de ce thème universel, qui constitue l'une des plus grandes peurs de l'humanité. 

Et encore une fois, l'auteur nous embarque dès les premières pages dans une enquête scientifique tortueuse, éprouvante, qui laissera des traces indélébiles dans l'équipe du commandant Sharko. 

Sur la forme, La Faille est une mécanique de précision parfaitement huilée, alimentée par un fond documentaire solide. Certes, l'ingénieur de métier qu'était Franck Thilliez aborde toujours ses thèmes en privilégiant une approche principalement scientifique, mais pas que. Ce qui est certain, c'est que l'auteur va toujours au fond des choses, et ne se limite jamais à l'exploration de la partie uniquement émergée de l'iceberg. Ce roman est donc une nouvelle plongée abyssale dans les méandres tortueux de l'âme humaine. On en redemande. Et bien sûr, c'est toujours aussi bien écrit dans un style limpide et musclé. 

Franck Thilliez, La Faille, fleuvenoir, 501 pages, sorti pour la première fois en 2023. 

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mardi 6 février 2024

Labyrinthes, de Franck Thilliez

 

Ha la mémoire, l'un des thèmes préférés des auteurs de thrillers, un sujet autour duquel on peut toujours bâtir une intrigue diabolique riche en suspense et en rebondissements incessants, surtout quand on s'appelle Franck Thilliez, le maître du suspense horrifique, qui, avec Labyrinthes, clôt de manière magistrale sa trilogie consacrée à l'écrivain de thrillers Caleb Traskman. Je conseille vivement de lire dans la foulée et dans l'ordre les trois opus de la trilogie, ce qui vous permettra de prendre la pleine mesure du talent de Franck Thilliez, de comprendre à quel point c'est un esprit brillant. La trilogie Caleb Traskman fera date dans l'histoire du thriller, aucun doute là-dessus. Alors, n'attendez plus, et procurez-vous de toute urgence Le manuscrit inachevé, Il était deux fois et Labyrinthes, un thriller machiavélique au dénouement maléfique. 

L'histoire commence dans un chalet situé au milieu d'une forêt perdue. Un homme vient d'être vraisemblablement massacré à coups de tisonnier par une jeune femme atteinte d'une étrange amnésie. Qui était cet homme ? Que faisait-il dans un chalet qui ne lui appartient pas ? Mais surtout qui est cette jeune femme retrouvée à côté de son cadavre ? Et est-elle vraiment coupable de ce crime odieux ? 

Beaucoup de questions, et des réponses qui viendront petit à petit en déroulant le fil d'une toile machiavélique. Encore une fois, Franck Thilliez laisse ici libre cours à la force de son imagination, pour nous offrir un puzzle complexe, difficile à reconstituer, pour notre plus grand plaisir. Du grand art ! 

Franck Thilliez, Labyrinthes, Pocket, 408 pages, sorti pour la première fois en 2022.

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