lundi 18 mars 2024

La Cour des mirages, de Benjamin Dierstein

 

Avertissement. Vous qui entrez dans La Cour des mirages, laissez toute espérance, et préparez-vous à vivre une expérience éprouvante et terrifiante, une descente aux enfers sans retour possible, une plongée abyssale dans les bas-fonds de la nature humaine. Bienvenue dans La Cour des mirages, ou plutôt la cour des cauchemars, la cour des damnés, la cour de l'horreur. Benjamin Dierstein a trempé sa plume dans l'acide pour conclure une trilogie décapante, décoiffante, et noire comme le cauchemar. Une trilogie qui fera date dans l'histoire du polar. Et que je recommande de lire dans l'ordre chronologique, et tout particulièrement dans le cas de La cour des mirages dont l'intrigue est étroitement liée à celle de La Sirène qui fume. Mais je le répète, âmes sensibles s'abstenir, car on est clairement dans le domaine du polar très très très noir.

Un Benjamin Dierstein survolté nous oblige, une nouvelle fois, à regarder bien en face l'intolérable, l'indicible, au travers d'une intrigue complexe, touffue, taillée au couteau, qui mêle pédocriminalité, prostitution de luxe et magouilles politico-financières. Une intrigue étouffante à la sauce Dierstein. Une sauce très relevée, très épicée, qui ne manque pas de piquant. Vénéneux le piquant !

Car c'est ça la Dierstein Touch, un style direct, frontal, sans fioritures, très visuel, très cinématographique. Une narration au présent qui donne une vivacité hors du commun à ce récit "ellroyesque". Une histoire vécue et racontée par deux personnages, Laurence Verhaegen et Gabriel Prigent, deux écorchés vifs qui ont franchi depuis bien longtemps la ligne rouge. 

Au final, un polar teigneux, suffocant qui nous emmène loin, très loin dans les méandres tortueux de la psyché humaine, l'oeuvre au noir d'un écrivain continuant à raconter ses histoires criminelles comme un cowboy qui entrerait dans un saloon en défonçant la porte à coups de batte de Base-ball. Monumental ! 

Benjamin Dierstein, La Cour des mirages, Points, 820 pages, sorti pour la première fois en 2022.

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mardi 5 mars 2024

De nulle part, de Claire Favan

 

Avec son style incisif et tranchant, Claire Favan parvient toujours, dès les premières phrases lues, à m'embarquer dans ses histoires criminelles. Cette autrice désormais confirmée n'a guère d'équivalent dans la capacité à échafauder des intrigues diablement addictives et à camper des personnages forts. Souvent issus de milieux sociaux défavorisés, ou, en tout cas, peu épargnés par la rudesse de la vie. De nulle part ne déroge pas à cette régle, bien au contraire. Par contre, c'est l'un des rares romans de l'autrice dont l'action ne se déroule pas aux Etats-Unis mais en France. Et plus précisément en région parisienne. Mais pour le reste, Claire Favan nous a concocté son habituel cocktail à base de roman noir social et de suspense psychologique diabolique. Et l'autrice frappe très fort d'entrée de jeu, dès les premières pages, avec un abandon d'enfants suivi d'un suicide. 

Car oui on peut le dire, De nulle part est avant tout une histoire de destins, de trajectoires, de chance et de malchance. Deux nouveaux-nés, des jumeaux abandonnés à leur naissance. La chance pour l'un, qui grandira dans une famille riche. La malchance pour l'autre, qui sera ballotté de foyers sordides en familles d'accueil parfois violentes et dysfonctionnelles. Les deux frères finiront par se retrouver vingt ans plus tard, mais pour le pire. Car le réel finit toujours par nous rattraper. 

Je ne vous en dis pas plus et vous laisse le soin de dévorer ce thriller captivant, dont les multiples rebondissements se doublent d'un portrait effroyablement réaliste de cette jeunesse confiée à la protection de l'enfance. Manque de moyens matériels et humains, formation du personnel insuffisante ou inadéquate, difficultés à recruter des personnes motivées, abus en tout genre, omertà sur les violences commises dans certains foyers, le constat dressé est terrible. 

Claire Favan, De nulle part, Harper Collins poche, 336 pages, sorti pour la première fois en 2022. 

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mardi 20 février 2024

La Faille, de Franck Thilliez

 

Avec cette nouvelle enquête du duo mythique Hennebelle/Sharko, le maître du suspense horrifique s'attaque au plus grand mystère de l'humanité, à l'ultime désordre : la mort. Je me permets de reprendre les propos très évocateurs de l'auteur : "Après vingt ans à côtoyer la Faucheuse, il était enfin temps de lui accorder la vedette, la laisser prendre l'ascendant sur le romancier, accaparer chacune de ces pages, et nous entraîner dans sa danse macabre, avec son grand sourire trompeur, comme elle sait si bien le faire." 

L'auteur a donc construit une intrigue touffue, complexe, aux multiples ramifications autour de ce thème universel, qui constitue l'une des plus grandes peurs de l'humanité. 

Et encore une fois, l'auteur nous embarque dès les premières pages dans une enquête scientifique tortueuse, éprouvante, qui laissera des traces indélébiles dans l'équipe du commandant Sharko. 

Sur la forme, La Faille est une mécanique de précision parfaitement huilée, alimentée par un fond documentaire solide. Certes, l'ingénieur de métier qu'était Franck Thilliez aborde toujours ses thèmes en privilégiant une approche principalement scientifique, mais pas que. Ce qui est certain, c'est que l'auteur va toujours au fond des choses, et ne se limite jamais à l'exploration de la partie uniquement émergée de l'iceberg. Ce roman est donc une nouvelle plongée abyssale dans les méandres tortueux de l'âme humaine. On en redemande. Et bien sûr, c'est toujours aussi bien écrit dans un style limpide et musclé. 

Franck Thilliez, La Faille, fleuvenoir, 501 pages, sorti pour la première fois en 2023. 

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mardi 6 février 2024

Labyrinthes, de Franck Thilliez

 

Ha la mémoire, l'un des thèmes préférés des auteurs de thrillers, un sujet autour duquel on peut toujours bâtir une intrigue diabolique riche en suspense et en rebondissements incessants, surtout quand on s'appelle Franck Thilliez, le maître du suspense horrifique, qui, avec Labyrinthes, clôt de manière magistrale sa trilogie consacrée à l'écrivain de thrillers Caleb Traskman. Je conseille vivement de lire dans la foulée et dans l'ordre les trois opus de la trilogie, ce qui vous permettra de prendre la pleine mesure du talent de Franck Thilliez, de comprendre à quel point c'est un esprit brillant. La trilogie Caleb Traskman fera date dans l'histoire du thriller, aucun doute là-dessus. Alors, n'attendez plus, et procurez-vous de toute urgence Le manuscrit inachevé, Il était deux fois et Labyrinthes, un thriller machiavélique au dénouement maléfique. 

L'histoire commence dans un chalet situé au milieu d'une forêt perdue. Un homme vient d'être vraisemblablement massacré à coups de tisonnier par une jeune femme atteinte d'une étrange amnésie. Qui était cet homme ? Que faisait-il dans un chalet qui ne lui appartient pas ? Mais surtout qui est cette jeune femme retrouvée à côté de son cadavre ? Et est-elle vraiment coupable de ce crime odieux ? 

Beaucoup de questions, et des réponses qui viendront petit à petit en déroulant le fil d'une toile machiavélique. Encore une fois, Franck Thilliez laisse ici libre cours à la force de son imagination, pour nous offrir un puzzle complexe, difficile à reconstituer, pour notre plus grand plaisir. Du grand art ! 

Franck Thilliez, Labyrinthes, Pocket, 408 pages, sorti pour la première fois en 2022.

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mardi 23 janvier 2024

Siège 7A, de Sebastian Fitzek

 

Conseil important à suivre avant de débuter la lecture de cet excellent suspense psychologique : oubliez la crédibilité. Plus la ficelle est grosse, plus la machine fonctionne. Surtout quand elle est alimentée par l'imagination débordante de Sebastian Fitzek. Qui nous sert un thriller épicé, riche en émotions fortes et en rebondissements improbables et tordus. Le menu est copieux, Nele, une jeune femme sur le point d'accoucher est kidnappée et séquestrée par un activiste de la cause animale. Au même moment, Mats, un psychiatre de renom, et père de Nele, s'apprête à prendre un vol de nuit Buenos Aires-Berlin pour assister à la naissance du premier enfant de sa fille. Problème, Mats a une peur panique des avions, mais cette phobie va rapidement devenir le cadet de ses soucis quand il reçoit un appel d'une personne l'informant de l'enlèvement de sa fille. 

Pas de rançon demandée en échange de sa libération, ce serait beaucoup trop simple, voyons. Non, le deal est tout autre, plus terrible, plus tordu, plus dévastateur : provoquer le crash de l'avion en manipulant psychologiquement l'une de ses anciennes patientes, présente à bord en tant qu'hôtesse de l'air. Si Mats échoue, sa fille mourra. Le compte à rebours démoniaque peut commencer. 

Sebastian Fitzek en totale roue libre dans ce roman à suspense qui ne laisse aucun répit aux lecteurs que nous sommes. L'auteur ne lésine pas sur le romanesque, c'est le moins que l'on puisse dire, on en a pour son argent. Des rebondissements à n'en plus finir, une tension dramatique hallucinante, Siège 7A est un page-turner très bien ficelé du début à la fin, et porte clairement la marque d'un auteur confirmé qui maîtrise son art à la perfection. 

Sebastian Fitzek, Siège 7A, Le Livre de Poche, 448 pages, traduit de l'allemand par Céline Maurice, sorti en 2017 (Allemagne) 2020 (France)

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vendredi 19 janvier 2024

Liquidations à la grecque, de Petros Markaris

 

Dans la catégorie polars cultes et intemporels, je demande Liquidations à la grecque de Petros Markaris, mon opus préféré de cette série policière consacrée à l'attachant commissaire Kostas Charitos. Qui, accablé par la chaleur, déambule dans les rues embouteillées d'Athènes à la recherche d'un insaisissable coupeur de têtes. En effet, plusieurs personnalités du monde de la finance sont retrouvées décapitées, tandis que des tracts inondent la capitale grecque, appelant les clients des banques à ne plus rembourser leurs dettes. Il faut dire que le contexte de l'époque est plus que tendu, l'action de ce polar se déroulant en 2010, en pleine crise de la dette publique grecque. Aidé par le FMI et l'Union européenne, le gouvernement grec doit, en contrepartie, mettre en place des mesures d'austérité qui provoquent la colère d'une grande partie de la population. 

Et donc, l'enquête de notre pauvre commissaire Charitos, encore plus bougon que d'habitude, s'annonce corsée, dans la mesure où la liste des suspects potentiels est aussi longue que celle des nombreux grecs ayant des dettes à rembourser auprès de leurs banques. Mais Charitos est aussi têtu et tenace qu'Adriani, son épouse, est vaillante et redoutable. 

Plus qu'un roman policier, ce livre raconte de l'intérieur à quoi ressemblait le pays durant la crise financière. Les rebondissements de l'enquête se doublent d'un portrait lucide et acéré de la Grèce, écartelée entre la misère grandissante, le chômage, la xénophobie, et une dépendance totale vis-à-vis de l'extérieur pour régler des problèmes financiers majeurs. Au final, Liquidations à la grecque est aussi passionnant dans sa mécanique purement policière que dans son arrière-fond social et géo-politique. Avec, en prime, un personnage principal pétri d'humanité auquel on ne peut que s'attacher.

Petros Markaris, Liquidations à la grecque, Points, 360 pages, traduit du grec par Michel Volkovitch, sorti en 2010 (Grèce) 2012 (France)

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jeudi 18 janvier 2024

Le Douzième Chapitre, de Jérôme Loubry

 

C'est le deuxième roman que je lis de cet auteur à succès, après avoir été globalement séduit par Les Chiens de Détroit, son premier roman. Et clairement, dans ce second opus, Jérôme Loubry monte en puissance à tous les niveaux : écriture élégante et limpide, personnages fouillés, intrigue originale magistralement entrelacée jusqu'à la fin bouleversante et bluffante. Et la patte Loubry, cette particularité qui semble désormais faire partie intégrante de tous ses romans, à savoir la présence presque tangible des fantômes qui viennent hanter les vivants, troubler leurs vies pour mieux faire ressortir des secrets inavouables. Il flotte autour de chaque histoire de Jérôme Loubry une aura sombre, à la limite du rationnel. Même si le dénouement de cette histoire est tristement réaliste.  

Jérôme Loubry orchestre une intrigue qui entrecroise habilement le passé et le présent. Le passé, c'est cet été 1986, le dernier que David et Samuel, douze ans, passeront ensemble en Vendée, au bord de l'océan, dans le centre de vacances appartenant à l'usine familiale où travaillent leurs parents. Une entreprise, au bord de la faillite, dirigée par l'étrange et mélancolique Paul Vermont, dont la femme a mis fin à ses jours dans la maison, qui se trouve au milieu du centre de vacances. Un drame qui va en appeler d'autres durant cet été 1986. 

Cette série d'événements tragiques va refaire surface trente ans plus tard, dans le présent, sous la forme d'un manuscrit que David, devenu écrivain, et Samuel, devenu son éditeur, reçoivent en même temps. Un manuscrit qui relate les événements de cet été 1986 sous un éclairage totalement nouveau. C'est une véritable boîte de Pandore qui s'ouvre, avec son lot de surprises et de révélations. 

Au final, un page-turner addictif, prenant, haletant du début à la fin. L'auteur confirme tout son talent pour échafauder des intrigues diablement efficaces et des personnages forts. Un polar noir totalement abouti et remarquablement construit. 

Jérôme Loubry, Le Douzième Chapitre, Le Livre de Poche, 356 pages, sorti pour la première fois en 2018. 

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