Le polar est décidément un genre protéiforme, présent dans toute forme de littérature: roman, nouvelle, et ... pièce de théâtre. Certains auteurs de romans noirs ont également écrit des pièces de théâtre, comme par exemple Dennis Lehane et sa pièce Coronado. Bernard-Marie Koltès n'est pas un écrivain de polars, mais il a écrit en 1988 Roberto Zucco. Et pour la noirceur on est servis, croyez-moi! Inspirée de l'histoire du tueur en série italien Roberto Zucco, l'oeuvre provoqua un énorme scandale à sa sortie. Il se dégage de cette pièce une épouvantable noirceur que ne vient éclairer aucune lueur d'espoir. Une dimension tragique exacerbée par la violence de certaines scènes. Et une atmosphère digne des romans les plus noirs de David Goodis, Jim Thompson, ou plus récemment Jon Bassoff.
Cette pièce est structurée comme une boucle: Roberto Zucco s'évade de prison puis sème la mort et la désolation partout où il passe, et enfin retourne en prison pour achever une vie tragique. Comme si tout était écrit à l'avance. Certaines scènes atteignent des sommets d'intensité dramatique. En outre, cette pièce est une réflexion très subtile sur le crime, la folie, et la misère. Et le personnage de Roberto Zucco est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît.
Si vous êtes uniquement amateur de lecture noire, votre intérêt pour ce livre s'arrêtera là, car les deux "morceaux de pièces" qui suivent, ainsi que l'interview de Bernard-Marie Koltès n'ont rien à voir avec l'atmosphère qui se dégage de Roberto Zucco. La deuxième pièce Tabataba, très courte, est beaucoup plus légère. Il s'agit d'un dialogue truculent entre un frère et une soeur, qui se disputent, puis finissent par se réconcilier. Ensuite, Coco est une ébauche de pièce encore plus courte, qui raconte, de manière tragi-comique et purement imaginaire, la fin de vie de Coco Chanel. Comme une dédicace inachevée à la grande créatrice de mode.
Enfin, le roman s'achève par une interview de l'auteur, qui raconte la genèse et la mise en place d'une de ses pièces de théâtre, qui n'est ni Roberto Zucco, ni Tabataba, ni Coco. Ce que je trouve dommage. Il aurait été intéressant d'avoir le regard de l'auteur sur ses trois pièces, ou au moins sur Roberto Zucco, cette pièce si singulière, à la limite du mystique. Au final, je vous recommande de lire la première pièce Roberto Zucco, qui vaut vraiment le détour. Le reste peut être ignoré. Sauf, bien sûr, si vous êtes un fan inconsidéré de cet auteur atypique qu'était Bernard-Marie Koltès, mort du SIDA en 1989 à l'âge de 41 ans !
Bernard-Marie Koltès, Roberto Zucco, Les Editions de Minuit, 140 pages, 1988/2001
Je vous conseille aussi:
Coronado, Dennis Lehane
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