mardi 28 septembre 2021

L'île flottante infestée de requins, de Charles Willeford

 

Décédé en 1988, l'américain Charles Willeford, dialoguiste de talent, est principalement connu pour sa série de romans mettant en scène Hoke Moseley, qui est peut-être l'un des flics les plus attachants de la littérature policière. Je vous conseille notamment Miami Blues et Une seconde  chance pour les morts. Mais son chef d'oeuvre, son roman le plus fort, le plus ambitieux, le plus abouti reste et restera à jamais L'île flottante infestée de requins. Un titre un peu racoleur, me direz-vous. On s'attendrait plutôt à lire une bonne vieille série B sans autre prétention que de faire passer un agréable moment à des lecteurs peu exigeants. Il n'en est rien, car ici on est clairement dans le domaine du roman noir, très noir. Je me permets de reprendre ci-dessous les propos très lucides de l'auteur sur son livre.

L'île flottante infestée de requins est un livre qui "en dit beaucoup sur l'inéluctable brutalité de la vie urbaine... C'est une peinture honnêtement dégueulasse de ce que l'on appelle communément des jeunes gens ordinaires." Les jeunes gens ordinaires, dont il est ici question, sont au nombre de quatre: Larry "Le Flic" Dolman, Hank Norton, Eddie Miller et Don Luchessi. 

Quatre américains qui vivent dans le Miami des années 70, et plus globalement dans une Amérique post-Vietnam déboussolée, en pleine crise morale, et en pleine mutation sociétale. Notamment dans les grandes villes. Une Amérique urbaine de plus en plus individualiste, insensible, raciste, et violente incarnée par ces quatre personnages, quatre points de vue narratifs qui se succèdent tout au long du récit. Même si l'histoire commence et se termine avec Larry "Le Flic" Dolman, ce qui est loin d'être un hasard. Malheureusement. 

Car il n'y a pas de happy end dans ce roman impitoyable, d'une désespérante noirceur que ne vient éclairer aucune lueur d'espoir. Pourtant, au départ, Larry, Hank, Eddie et Don semblent être des gens bien sous tout rapport. Des jeunes gens ordinaires, qui travaillent, et vivent leur vie de célibataire dans une grande ville américaine. Mais survient un événement dramatique qui va changer la donne. Et révéler des comportements assez impitoyables, dégueulasses, pour reprendre les termes de l'auteur. Un pour tous, tous pourris, telle est la devise de ces quatre individus plutôt détestables et déshumanisés. Et encore, ces jeunes gens font souvent preuve entre eux d'une sorte de solidarité de façade. Car au final chacun agit en fonction de ses propres intérêts, avant tout.  Je ne vous en dis pas plus et vous laisse le soin de découvrir ce chef d'oeuvre de réalisme froid et d'acuité psychologique. 

Charles Willeford, L'île flottante infestée de requins, Rivages/noir, 363 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Danièle et Pierre Bondil, sorti en 1993 (Etats-Unis) 1996 (France)

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