vendredi 14 octobre 2022

L'espion qui aimait les livres, de John le Carré

 

Tout d'abord, je tiens à remercier chaleureusement Babelio de m'avoir choisi dans le cadre de l'opération Masse Critique. Et donc de m'avoir envoyé gracieusement cet ouvrage. Et pas n'importe quel ouvrage puisqu'il s'agit du dernier livre publié du regretté John le Carré décédé en 2020, à l'âge canonique de 89 ans. Une longue vie très riche presque exclusivement consacrée à l'écriture de romans d'aventure et d'espionnage. Avec quelques chefs d'oeuvre mondialement connus tels que L'espion qui venait du froid, mon préféré, La Taupe, Le Tailleur de Panama, ou encore La Constance du jardinierL'espion qui aimait les livres est effectivement son dernier roman publié, mais en réalité, comme l'explique l'un de ses fils à la fin du livre, ce n'est pas chronologiquement son ultime roman. 

Le Carré l'a écrit entre deux de ces derniers livres mais ne s'est jamais décidé, de son vivant, à le présenter à son éditeur. Pour quelle raison, nous ne le saurons jamais mais l'un de ses fils, l'écrivain Nick Cornwell, avance une explication. Ancien agent des services secrets du Royaume-Uni pendant la Guerre Froide, John le Carré a toujours refusé, dans ses romans, d'égratigner "l'institution qui l'avait recueilli quand il était un chien perdu sans collier au mitan du 20ème siècle." 

En revanche, John le Carré ne s'est jamais gêné pour critiquer ouvertement la politique étrangère de son pays qui, selon lui, se décide entièrement à Washington. Mais le maître incontesté du roman d'espionnage s'est toujours refusé à critiquer explicitement le fonctionnement interne des services secrets de sa Majesté. Ou alors il s'arrangeait toujours pour taper juste à côté de la cible. Sauf dans L'espion qui aimait les livres. Ce qui en fait vraiment son intérêt principal. 

Car pour la seule et unique fois de son existence littéraire, John le Carré dresse un portrait au vitriol du Secret Intelligence Service, plus connu sous la dénomination de MI6. L'auteur décrit une institution fracturée et déboussolée, en manque de repères, à l'instar de ses espions, qui semblent avoir perdu leurs certitudes sur ce que représente leur pays et sur leur identité véritable. Le Royaume-Uni vient de sortir de l'Union européenne, et sa politique étrangère est devenue inexistante. Dans ce contexte, quelle est la mission de ses services secrets ? Et y a-t-il d'ailleurs encore une mission clairement identifiée ? 

Je ne m'attarderai pas sur l'intrigue une nouvelle fois subtile concoctée par le génie britannique. Globalement l'histoire tragique d'un espion qui va trahir son pays par amour. Sur la forme, ce roman assez court porte la marque d'un écrivain confirmé, dialoguiste de talent et meneur d'intrigues hors pair. Au final, une histoire très humaine essentiellement centrée sur la psychologie de ses personnages avec en toile de fond un constat lucide et sans concession sur les services secrets d'aujourd'hui. Une institution pas comme les autres mais minée par des problèmes que l'on retrouve dans n'importe quelle organisation en crise: des difficultés à recruter des gens talentueux et motivés, le manque de moyens financiers et matériels, et des batailles d'ego sans fin, qui bloquent les prises de décisions efficaces. 

John le Carré, L'espion qui aimait les livres, Seuil, 240 pages, traduit de l'anglais par Isabelle Perrin, sorti en 2021 (Angleterre) 2022 (France)

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2 commentaires:

  1. Un auteur que je n'ai pas encore lu mais qu'il va falloir que je découvre un jour.

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  2. Cet opus n'est pas mauvais, loin de là, mais ce n'est pas non plus son meilleur roman. je conseille L'espion qui venait du froid et La Constance du jardinier. Bonne découverte !

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