mercredi 5 octobre 2022

Mamie Luger, de Benoît Philippon

 

"Reprenons le cours des événements, si vous le voulez bien. Vous venez d'héberger deux fugitifs suspectés de meurtre, vous avez passé la matinée à canarder mes troupes, vous avez tiré sur votre voisin, le blessant gravement par deux fois, vous êtes en possession d'une arme prohibée et vous m'avouez à présent que vous avez tué un homme. Un nazi, certes, un violeur, j'entends, mais tout de même, avouez que la mule commence à être chargée."

Sauf que ce n'est pas qu'une seule mule que l'inspecteur Ventura va découvrir au fur et à mesure de cette singulière garde à vue. Qui, au moment où l'inspecteur énumère ces faits, vient à peine de commencer. Non c'est tout un troupeau !


Il faut dire que le pauvre André Ventura, à sa décharge, est très peu habitué aux faits divers spectaculaires dans sa petite ville du Cantal, un département rural surtout connu pour ses excellents fromages. La probabilité de tomber sur un redoutable serial killer était très faible, voire nulle. Et pourtant, la personne qui se trouve en face de l'inspecteur a beaucoup de secrets à dévoiler, et surtout beaucoup de cadavres dans le placard. Enfin, les cadavres ne sont pas cachés dans le placard, mais enterrés dans la cave de Mamie Luger. 

Et oui, j'ai oublié de vous dévoiler le plus important, André Ventura n'est pas en train d'interroger un homme dans la force de l'âge, mais Berthe Gavignol, une mémé de cent deux ans. Une sorte de Tatie Danielle version serial killeuse totalement anticonformiste. Et en un siècle, cette mémé à la fois ordinaire et extraordinaire a connu deux guerres mondiales, et plusieurs maris. Au pied du mur, Berthe va devoir exhumer son propre passé et, ce faisant, remettre en lumière un siècle d'histoire de France sur fond de racisme villageois et de violences conjugales. 

Pour moi, la force d'un roman réside dans sa capacité à transmettre des émotions aux personnes qui le lisent. Ici, la palette des émotions est complète, l'auteur a même créé des couleurs que je ne connaissais pas. Joie, rire, colère, tristesse, peur, indignation, dégoût, tendresse, j'ai ressenti tout cela à la lecture de ce roman tour à tour drôle, déjanté, sanglant, émouvant, bouleversant, et franchement noir par certains côtés. Une histoire poignante et engagée à l'image de son personnage principal, une femme qui s'est battue toute sa vie, et à sa manière bien à elle, pour garder sa liberté et sa dignité. 

Au final, Mamie Luger est une histoire stupéfiante mettant en scène un personnage attachant, touchant et carrément irrévérencieux. Pour son deuxième roman, Benoît Philippon fait preuve d'une vertigineuse inventivité. Et avec son style d'écriture plein d'énergie et de vitalité, l'auteur s'affirme comme un formidable conteur d'histoires. Gros coup de coeur, assurément je lirai les autres romans de Benoît Philippon. 

Benoît Philippon, Mamie Luger, Le Livre de Poche, 380 pages, sorti pour la première fois en France en 2018. 

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2 commentaires:

  1. J'ai passé un très bon moment avec ce livre !

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  2. Oui vraiment un très bon roman qui mérite largement son succès !
    Je ne sais pas encore si ces autres romans sont tout aussi bons.

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