mercredi 14 juin 2023

L'épidémie, d'Asa Ericsdotter

 

Maigris ou crève. Ou comment résumer ce roman terrifiant en une seule phrase-choc. Un peu réducteur, mais en gros c'est l'idée. En parlant de gros, le premier ministre suédois Johan Svärd ne les aime vraiment pas, les gros. D'ailleurs, quand il parle d'une personne en surpoids, il emploie un mot bien plus péjoratif que gros. Pour lui, le gros n'est rien d'autre qu'un porc qu'il faut éradiquer, éliminer, par tous les moyens. L'Allemagne nazie persécutait, entre autres, les juifs et les homosexuels. Le Parti de la Santé, qui dirige la Suède, persécute tout citoyen en situation de surcharge pondérale. L'obésité est une épidémie qu'il faut éradiquer, une maladie rendue responsable de tous les maux qui peuvent affecter la société suédoise. Et donc le premier ministre du gouvernement met en place des mesures drastiques et fortement discriminatoires. 

"L'indice de masse grasse et musculaire était devenu la meilleure arme du Parti de la Santé. C'était l'IMGM qui déterminait l'aptitude des gens à leur profession. Un IMGM supérieur 42 leur interdisait d'exercer un métier dans le secteur public." 

L'accès à un emploi, à un logement, à des aides économiques et sociales, est désormais entièrement conditionné à votre IMGM. Mais la mission du gouvernement pour "une Suède forte et saine" va prendre une tournure encore plus dramatique. Car la fin justifie les moyens, tous les moyens. C'est le "tous" qui fait ici l'effroyable différence. 

Sous la forme d'un roman à suspense haletant et écrit dans un style limpide, L'épidémie raconte, dans un futur proche, le basculement d'un pays vers l'intolérance et le totalitarisme. Au final, une dystopie qui nous renvoie aux heures les plus sombres de notre histoire. 

Mention spéciale au personnage de Johan Svärd. Pour moi, l'autrice n'est pas tombée dans le piège du manichéisme à outrance. Le chef du Parti de la Santé est un personnage détestable et ignoble, c'est certain, mais non dénué d'une certaine d'humanité. Parce que justement, Johan Svärd n'est pas le diable incarné, c'est un être humain, terriblement humain. Mais l'excès ne peut mener qu'à d'autres excès. Parfois, jusqu'à la folie. J'ai vraiment bien aimé ce roman très noir, très dur, atroce, impitoyable, et prenant de bout en bout. 

Asa Ericsdotter, L'épidémie, Babel noir, 528 pages, traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy, sorti en 2016 (Suède) 2020 (France) 

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