Décédé en 2015, Bob Leuci fut Le Prince de New York. Ce film culte de Sidney Lumet, sorti en 1981, raconte l'histoire vraie d'un flic affecté à un service d'élite qui s'occupe du trafic de drogue. Petit à petit, il va se transformer en ripou à l'instar de ses collègues qui se croient souvent au-dessus des lois. Mais il aura finalement le courage de dénoncer la corruption qui règne dans son service. Au cinéma, le flic en question s'appelait Daniel Ciello. Dans la vraie vie, le flic s'appelait Bob Leuci. Dont l'expérience et le vécu ont logiquement nourri les intrigues de ses romans. Bob Leuci, un ancien flic qui a écrit sur les flics, car il en connaissait les règles et les codes. Trois de ses livres ont été traduits en France, trois polars cultes, trois chefs d'oeuvre de la littérature policière américaine: Odessa Beach, Captain Butterfly, et donc L'Indic.
Vous l'aurez compris, je suis fan de cet auteur, qui sait raconter une histoire et captiver ses lecteurs. J'aime son style simple, alerte, tranchant, brut de décoffrage. En outre, Bob Leuci était un redoutable meneur d'intrigues et un dialoguiste de talent.
L'Indic est, de mon point de vue, son roman le plus ambitieux, le plus fort, le plus abouti. Et le plus attachant aussi, à l'instar de son personnage principal Nick Manaris, un flic efficace et intègre mais usé par son métier et le New York violent de la fin des années 70. Un homme en manque d'amour et de reconnaissance, qui intègre une brigade dont les membres ont la réputation d'être corrompus. L'équipe est dirigée officiellement par l'inquiétant capitaine Hawks, et officieusement par le fantasque Sonny McCabe.
Tout ce petit monde se trouve mêlé à une opération coup de poing contre des trafiquants d'arme colombiens et cubains. Une opération qui va très mal tourner, et marquera à vie Nick et Sonny.
L'Indic est une histoire d'amour et de haine, de trahison et de vengeance, de justice et d'honneur. C'est une histoire à la fois magnifiquement et terriblement humaine. On y retrouve également le thème de la corruption policière et politique, une constante chez Bob Leuci. L'auteur s'inscrit dans le souci d'une narration très réaliste dans les deux premiers tiers du roman et dévoile les coulisses d'une ville gangrénée par le trafic, la criminalité organisée et la violence. Par contre dans le dernier tiers du roman, Bob Leuci laisse libre cours à la force de son imagination, et ne lésine pas sur le romanesque, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais cela ne m'a pas gêné du tout.
L'auteur ne perd pas en crédibilité, ne tombe pas dans la facilité, et L'Indic est un bon vieux polar américain comme je les aime. Un roman pur et dur qui sonne juste, qui a du caractère et de la densité, à l'instar de ses personnages très fouillés psychologiquement. Je terminerai cette critique par un extrait qui reflète, pour moi, l'essence même de ce livre: "Les gens sont comme ils sont, ni bons ni mauvais, pour la plupart ils essayent d'être, sans plus. Sonny n'est pas mauvais. Cette ordure de Cano, et ton oncle, là d'accord, on parle de mal, on parle d'enfoirés pervers."
Bob Leuci, L'Indic, Rivages/noir, poche 569 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Eleonore Cohen-Pourriat, sorti en 1997 (Etats-Unis) 2001 (France)
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