Avec un titre pareil, je m'attendais à lire un polar humoristique, décalé, voire même déjanté. Un roman léger bourré de scènes cocasses. Et bien, pas tout à fait. Le gardien ne fait pas de quartier est plutôt un mélange de comédie grinçante et de roman noir urbain, un livre tour à tour drôle et d'un réalisme dérangeant et implacable. Et c'est surtout un roman attachant et pétri d'humanité, à l'image de son narrateur, ce gardien d'immeuble qui va déclencher, sans le vouloir, toute une série d'événements graves et sanglants. Mohamed, dit Momo, est le gardien de la Cité des Oiseaux, un grand ensemble de la région parisienne. Des barres d'immeubles grises et dégradées dont la plupart des résidents sont pauvres et d'origine étrangère, principalement d'Afrique du Nord.
En face de la Cité des Oiseaux, de l'autre côté de l'autoroute, se trouve la Cité République, dont la plupart des habitants sont également d'origine étrangère, principalement d'Afrique subsaharienne. Les Oiseaux les surnomment les Zoulous. Vous l'aurez compris, entre les Zoulous et les Oiseaux ce n'est pas le grand amour. Chacun chez soi. Sauf quand il s'agit de se retrouver en terrain neutre - La station d'essence au bord de l'autoroute - pour une course de voitures totalement sauvage et interdite. Ce soir-là Momo et sa petite fille de substitution Daria n'auraient pas dû se rendre à la station service pour y acheter une pizza. Daria meurt écrasée par une voiture conduite par un Zoulou. Momo ne s'en remettra pas. Et cherchera à se venger. Pas une bonne idée quand on est un simple gardien d'immeuble ayant toujours cherché à éviter les ennuis. Pas une bonne idée du tout !
Tout d'abord, je tiens à remercier chaleureusement Babelio et les éditions et le bruit de ses talons de m'avoir envoyé gracieusement ce roman court mais intense. Aussi passionnant dans sa mécanique purement romanesque que dans son arrière-fond social. Car finalement l'intrigue échevelée sert de prétexte à l'auteur pour décrire le quotidien d'une cité francilienne gangrénée par le trafic de drogue et de plus en plus quadrillée par le prosélytisme religieux.
En outre, l'auteur fait très bien ressortir la mécanique pernicieuse et persistante qui conduit à un accroissement toujours plus important de la pauvreté dans ce type de quartier. Ce sont toujours les plus aisés, ou plutôt les moins pauvres, qui quittent la Cité, et les nouveaux arrivants sont systématiquement plus démunis que les sortants.
J'ai vraiment bien aimé ce roman qui ne tombe jamais dans une vision trop manichéenne de la banlieue parisienne. Ce livre raconte de l'intérieur à quoi ressemble aujourd'hui une cité HLM sensible. Porté par un personnage principal plus vrai que nature, Le gardien ne fait pas de quartier est une histoire franchement noire malgré son aspect souvent décalé. Et surtout c'est une histoire tellement humaine qu'elle ne peut que nous toucher au plus profond de nous-même.
Jean-Marie Paris, Le gardien ne fait pas de quartier, et le bruit de ses talons éditeur, 174 pages, sorti en 2023.
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