jeudi 11 février 2016

La ville des morts, de Sara Gran


La ville des morts, c'est la Nouvelle-Orléans, après le passage du tristement célèbre ouragan Katrina en 2005. L'enquête de la détective Claire DeWitt débute en janvier 2007, soit un an et demi après la catastrophe. Sara Gran décrit une ville chaotique, désemparée, au seuil de l'apocalypse. Le constat est terrifiant, et les dégâts toujours visibles, comme si l'ouragan était passé quelques jours avant: "Les ravages n'en finissaient pas.... des habitations avec des murs en moins, des maisons poussées dans d'autres par la puissance de la vague, des voitures sur des voitures, des lotissements à moitié effondrés, des bateaux sur les trottoirs..." Déjà qu'avant Katrina, cette ville était gangrenée par la délinquance et la pauvreté... Au milieu de ces ruines, Claire DeWitt va donc enquêter sur la disparition d'une figure locale, elle va faire de singulières rencontres, et mettre à jour de vilains secrets.

Sur le fond, Sara Gran pose les bases d'un univers très original, fouillé, qui sort des sentiers battus, à l'image de son personnage Claire DeWitt, une jeune femme complètement libérée, et hantée par la disparition inexpliquée de sa meilleure amie. C'est un peu la version féminine de Patrick Jane, mais en beaucoup moins politiquement correct. Par contre, la manière de résoudre les énigmes est aussi peu conventionnelle. Claire se réfère d'ailleurs à une sorte de manuel du parfait détective: Détection de Jacques Silette. De nombreux chapitres du livre se terminent par des conseils du type: "Ne croyez rien. Doutez de tout. Suivez les indices, et seulement les indices." 

Sur la forme, j'ai failli m'arrêter au bout d'une trentaine de pages, destabilisé par le style d'écriture singulier de Sara Gran: un style imagé, parfois saccadé, haché même. C'est un peu déconcertant au début. Idem pour le déroulement de l'histoire qui oscille sans cesse entre présent et passé; Et entre les deux, viennent se greffer des chapitres entiers consacrés aux rêves de Claire DeWitt. Mais ces nombreux retours dans le passé de la jeune femme étaient nécessaires dans l'intérêt du roman, et pour la mise en place de la série. J'ai bien fait d'insister, car l'intrigue est vraiment subtile, et l'atmosphère du roman hallucinante et hallucinée ! Et on s'habitue à l'écriture de Sara Gran, qui maîtrise globalement la conduite de son récit. Il y a une cohérence dans tout ça. Et beaucoup de symbolique. Au final, La ville des morts est un whodunit décalé, mais surtout très noir, qui marque le début d'une série policière prometteuse et originale. j'attends la suite avec curiosité.

Sara Gran, La ville des morts, Points, 384 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Claire Breton, sorti en 2011 (Etats-Unis) 2015 (France)

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