samedi 2 juin 2018

La Pension de la Via Saffi, de Valerio Varesi


"Même les enquêtes ont du mal à reconstruire la mécanique des faits. Qui n'est pas grand-chose en réalité. Découvrir celui qui a empoigné le couteau pour le planter dans le coeur de Ghitta, la nature de la blessure, sa profondeur et le genre d'hémorragie, ça n'est jamais que décrire la surface d'un fait. Mais le noyau des motivations, la valse des fantômes qui a généré la colère, on ne les connaîtra jamais. On a beau essayé d'en avoir l'intuition, ça reste une entreprise désespérée. On ne peut pas dominer la réalité dans la mesure où chaque résultat est incomplet."

Enquête dans le brouillard, au sens propre comme au sens figuré, pour le mélancolique commissaire Soneri. "Il en profita alors pour se repasser en boucle les mystères que ce monde brouillardeux préservait : la disparition de Fernanda, l'assassinat de Ghitta, Pitti qui rôdait toute la nuit comme un animal en chasse, cette Elvira cynique à faire peur, la mort de Dallacasa... Au bout du compte, tout confluait naturellement vers cette pension qui avait tout du pivot bien huilé autour duquel tournait un univers entier. " Et la pension de la Via Saffi, Soneri la connaît très bien, puisque c'est dans cet endroit qu'il rencontra jadis sa femme, Ada, tragiquement décédée. Car finalement, ce n'est pas seulement sur le meurtre de la gérante que Soneri va devoir enquêter. C'est avant tout une enquête sur lui-même que le commissaire va devoir mener dans les rues brouillardeuses et crépusculaires de la ville de Parme.

Deuxième enquête publiée en France du commissaire Soneri, La Pension de la Via Saffi repose sur une intrigue complexe et sur des personnages ambigus à souhait dans une ville fantomatique et mortifère. Valerio Varesi dévoile les coulisses peu reluisantes d'une Parme gangrénée par la corruption politique, et par les inégalités sociales. Mais ce mélange subtil de whodunit et de roman noir urbain séduit par la personnalité terriblement humaine de son personnage principal le commissaire Soneri, observateur cynique et désabusé d'une société de plus en plus individualiste. 

Au final, un récit qui a de la densité, du caractère, de la profondeur. Et une qualité d'écriture indéniable. Un polar d'atmosphère à l'intrigue recherchée qui porte la marque d'un écrivain de talent. Qui ne tombe jamais dans la facilité, et qui fait très bien ressortir dans ce roman le côté éphémère de toute chose en ce bas monde. J'ai aussi beaucoup aimé la philosophie qui se dégage de ce livre, dans le sens où il faut toujours gratter sous la surface pour tenter de se rapprocher au mieux des véritables motivations présentes en chaque individu. Car ce sont ces motivations qui permettent de comprendre leurs agissements. 

Valerio Varesi, La Pension de la Via Saffi, Points, 312 pages, traduit de l'italien par Florence Rigollet, sorti en 2004 (Italie) 2017 (France)

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