dimanche 4 mars 2018

Les petits vieux d'Helsinki mènent l'enquête, de Minna Lindgren


"Vous êtes encore un jeune homme, vous ne savez peut-être pas qu'être vieux, c'est avant tout s'ennuyer, les jours s'écoulent lentement, rien ne se passe. Les amis et les proches sont morts, et la nourriture n'a plus de goût. Il n'y a rien d'intéressant à la télévision, et la lecture fatigue les yeux. On a envie de dormir, mais le sommeil ne vient pas, et on se retrouve à veiller la nuit et à somnoler le jour. On a toutes sortes de crampes, ça n'arrête jamais, des petites crampes mais quand même. La moindre bricole ne peut se faire que lentement, laborieusement, par exemple se couper les ongles des pieds. Est-ce que vous pouvez vous imaginer que ça devient un jour la croix et la bannière, une épreuve qu'on essaie à tout prix de remettre à plus tard ?" "Le médecin regarda sa montre avec nervosité, et promit de prescrire à Siiri des séances de pédicure remboursées par la Sécu. "

Cet extrait est vraiment très représentatif de l'ambiance qui règne dans ce livre, mélange plutôt réussi de comédie grinçante et de roman noir. Tour à tour hilarant et d'un réalisme dérangeant, ce roman aux personnages attachants est le premier volet d'une trilogie qui a connu un énorme succès en Finlande. Je vous résume l'intrigue: Siiri et Irma ont plus de quatre-vingt-dix ans, elles sont veuves depuis très longtemps, et certains de leurs enfants sont même déjà morts. Deux nonagénaires qui vivent dans une maison de retraite située au centre d'Helsinki, la capitale finlandaise. Siiri et  Irma, qui ne reçoivent plus de visites de leurs proches, s'occupent comme elles peuvent, en participant aux activités du foyer, et surtout en prenant le tramway. 

Les deux veuves commentent l'architecture de la capitale, observent les inévitables mutations urbaines d'une grande ville moderne, et arpentent des rues aux noms imprononçables pour nous français. (Mannerheimintie!) Et puis il y a les enterrements. Dont la fréquence a tendance à augmenter ces derniers temps. Il faut dire qu'il se passe des choses pas très nettes au Bois du Couchant: le cuistot s'est suicidé, l'assistant social a été viré, la directrice adjointe, une vraie harpie,  et son mari, qui fait office d'intendant, ont un comportement de plus en plus suspect, les médicaments sont trafiqués, l'un des pensionnaires est violé, et d'autres, dont Irma, se retrouvent internés de force dans un endroit de la résidence appelé Foyer collectif. Siiri va tout faire pour sauver sa meilleure amie, aidée par d'autres pensionnaires mais également par un jeune homme aux mystérieuses motivations: Mika Korhonen.

Finalement, l'enquête occupe une place très secondaire dans ce roman à la fois drôle et émouvant, qui fait la part belle à ses personnages principaux: les nonagénaires qui vivent dans une maison de retraite terne et asepetisée au possible. Il s'agit moins pour l'auteure de développer une intrigue romanesque que de dresser un portrait à la fois lucide et touchant du quatrième âge en Finlande. Et la gestion de cette "nouvelle" population pose problème dans un pays souvent cité en exemple pour ce qui est de son modèle social. Et bien le modèle en prend sacrément pour son grade dans ce livre à l'humour féroce et irrévérencieux à souhait. J'avais parfois l'impression que l'intrigue se déroulait en France, c'est vous dire, on y retrouve les mêmes problèmes: insuffisance des effectifs et des moyens dans les maisons de retraite, dégradation de la qualité des services publics, augmentation du coût des prestations sociales, ... Bref, comme en France. 

Mais ce que je retiens surtout de ce livre, c'est la belle amitié entre ces deux veuves, Siiri et Irma. Siiri qui va se battre pour retrouver sa meilleure amie, la ramener à la vie, parce que finalement c'est tout ce qui lui reste: cette amitié sur le tard, qui permet à la nonagénaire sans famille de partager des moments de bonheur, avant l'oubli et le néant. Vieillir librement et dans la dignité, tel est le message véhiculé par Minna Lindgren. Bon, je dois avouer que je m'attendais à mieux au niveau de l'intrigue, et à plus de scènes comiques.  Je n'ai pas autant ri que je ne l'espérais mais j'ai passé un assez agréable moment de lecture. Impression d'ensemble positive, mais sans plus. 

Minna Lindgren, Les petits vieux d'Helsinki mènent l'enquête, Points, 360 pages, traduit du finnois par Martin Carayol, sorti en 2013 (Finlande) 2015 (France)

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