mardi 16 juin 2020

Taqawan, d'Éric Plamondon


"Quand les flics commencent à tirer les filets et que les pêcheurs tentent de les prendre de vitesse, l'espace se contracte. Dans leurs zodiacs, les hommes de Trudel foncent sur les bateaux autochtones. L'hélicoptère se rapproche de certaines embarcations pour les repousser. Les Indiens veulent sauver leurs filets. C'est grâce à ça qu'ils gagnent leur vie, qu'ils peuvent se nourrir et élever leurs enfants." 

Le 11 juin 1981, des centaines de policiers de la Sûreté du Québec s'attaquent à la réserve de Restigouche afin de s'emparer des filets des Indiens Mi'gmaq. Profondément choqué par le traitement infligé à ce peuple, qui ne demande qu'à (sur)vivre en paix, Yves Leclerc, un garde-pêche, décide de démissionner. Leclerc part pêcher un matin, et ce n'est pas du poisson qu'il va trouver, mais une jeune fille roulée en boule au milieu des fougères. Une rencontre qui va bouleverser sa vie, et surtout ouvrir une véritable boîte de Pandore. L'histoire se met en place, mais ce n'est pas juste une histoire que l'auteur va raconter, mais plutôt des histoires, le tout permettant de dresser le portrait complet et fascinant du Canada, une nation gigantesque, sauvage, multiple, et divisée. 

Taqawan n'est pas juste un roman historique passionnant, non c'est bien plus que ça, c'est aussi un roman noir atroce, impitoyable, c'est également un polar ethnologique très intéressant, dans la lignée des meilleurs James D. Doss et Tony Hillerman. C'est un roman engagé, l'auteur prend clairement parti pour les Mi'gmaq. Taqawan est donc un vibrant hommage à ce peuple qui vit depuis des milliers d'années sur les terres canadiennes. Un peuple qui s'est adapté à son environnement naturel, avec notamment la pêche au saumon comme fil conducteur de sa survie. S'appuyant sur un fond documentaire solide, l'auteur remet donc en lumière tout un pan de l'histoire du Canada et du Québec. Entre hommage vibrant et pamphlet politique cinglant. 

Au final, un roman court qui se lit d'une traite, qui dégage une grande puissance. Un livre surprenant, intelligent, un ovni littéraire. C'est très bien écrit dans un style limpide, au service d'un récit dépouillé, composé de chapitres très courts. Un récit à plusieurs voix, celle de l'auteur qui nous raconte son Canada. et celles des personnages réels ou fictifs. Ce qui nous donne un livre très riche malgré sa briéveté. Bref, un roman coup de poing, poignant de tout premier ordre. 

Eric Plamondon, Taqawan, Le Livre de Poche, 214 pages, sorti en France en 2018

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