mardi 1 juin 2021

Iboga, de Christian Blanchard

 

Iboga a remporté le Prix du meilleur Polar des lecteurs Points 2020, devant notamment La sirène qui fume, de Benjamin Dierstein. Et La sirène qui fume, pour moi, c'est déjà du très très haut niveau, ce thriller coup de poing fait partie de mon top 3 des meilleurs polars lus en 2020. Et pourtant, c'est bien Iboga qui a remporté le prix remis par les Editions Points. Cela a clairement éveillé ma curiosité. Et effectivement, je viens d'en terminer la lecture, encore sous le choc de ce fulgurant roman noir. Un chef d'oeuvre, un modèle d'intelligence et de sobriété. Estampillé policier mais Iboga appartient plutôt à ces romans noirs qui privilégient la dureté des rapports humains et qui, ce faisant, se distinguent des purs romans criminels. Roman hors genre, hors normes, de par son personnage principal, le narrateur de cette histoire, de son histoire, Jefferson Petitbois. 

Oui Jefferson est un personnage hors normes pour plusieurs raisons. Abandonné à la naissance, au bord d'un bosquet. D'où son nom Petitbois. Une enfance et une adolescence très difficiles, et ensuite la rencontre avec Max, son terrifiant mentor. Jefferson va devenir un meurtrier, un tueur. Et finit par être arrêté. Puis condamné à la peine de mort. Puis finalement gracié. Pour purger une peine de prison à vie. La perpétuité. Jefferson a donc tout son temps pour pouvoir raconter son quotidien de prisonnier isolé de tout. Et de nous dévoiler la vérité sur sa courte vie de tueur. La vérité selon Jefferson Petitbois !

Il serait vraiment réducteur d'écrire qu'Iboga est un roman de prison, car ce n'est pas que cela. Christian Blanchard nous fait entrer dans la tête d'un criminel hors normes. Jefferson a très peu fréquenté l'école, il n'a jamais été stimulé par une famille aimante, il n'a pas eu accès à des ressources éducatives suffisantes. Mais Jefferson est très intelligent, il s'exprime très bien, et quand il se remet à lire puis à écrire, plus rien ne l'arrête. Son histoire prend forme, peu à peu. D'une noirceur épouvantable que ne vient éclairer aucune lueur d'espoir. Sauf celle, peut-être, de pouvoir sortir un jour de sa prison physique et mentale !

Il n'y a rien de spectaculaire dans ce roman noir, on est très très loin du thriller calibré riche en rebondissements improbables. Et pourtant, il y a une véritable tension dramatique dans ce roman, capable de vous tenir en haleine du début à la fin. Avec des rebondissements crédibles. Les mots de Christian Blanchard y sont pour beaucoup dans cette réussite. Un style simple, économe, sans gras, sans fioritures, mais d'une redoutable efficacité. Et une finesse psychologique hors du commun, qui donne de la profondeur et de la crédibilité à son récit.

Tout sonne juste dans ce roman poignant, qui évite tout manichéisme trop facile, et qui dégage une certaine puissance, mais dans la sobriété, dans la pudeur. Paradoxal me direz-vous ? Et bien non, pas dans ce livre qui raconte l'histoire de Jefferson Petitbois, dont l'existence se résume finalement à pas grand-chose. Un enfant de nulle part, qui ne connaît même pas sa date et son lieu de naissance, puis un adolescent qui sait au fond de lui qu'il va très mal tourner. Une lucidité qui va le pousser au suicide. Avorté grâce ou plutôt à cause de l'intervention d'un individu encore plus dangereux que lui. Un livre de la vie écrit par satan. Un destin inéluctable, une tragédie humaine d'un réalisme terrifiant qui vous hantera si vous n'y prenez pas garde ! 

Christian Blanchard, Iboga, Editions Points, 281 pages, sorti pour la première fois en France en 2018.

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