mercredi 4 mai 2022

Laisse pas traîner ton fils, de Rachid Santaki

 

Laisse pas traîner ton fils si tu veux pas qu'il glisse. Titre et refrain de la célèbre chanson du groupe de Rap Suprême NTM, à la fin des années 90. Chanson crépusculaire qui n'a rien perdu de son actualité. Dans ce court "romanquête", les trois fils qui glissent ne pourront certainement jamais remonter la pente, car ils ont commis l'irréparable: battre à mort un jeune homme de 17 ans, filmer ce lynchage d'une violence inouïe, et diffuser le tout sur les réseaux sociaux. Les trois jeunes, deux majeurs et un mineur, issus de quartiers prioritaires de la politique de la ville, sont rapidement arrêtés puis incarcérés dans l'attente de leur procès. Rachid Santaki raconte ce procès et cherche surtout à comprendre comment Damien et Moussa en sont arrivés à commettre un meurtre aussi sauvage, et pourquoi le jeune Sofiane n'a pas essayé de sauver le pauvre Mathieu alors qu'il filmait cet acte ignoble. 

Ce livre choc n'est pas vraiment un roman, et s'inspire d'un fait réel. Ce livre est une immersion au coeur de la violence urbaine. C'est un outil de compréhension. Auteur confirmé et engagé, issu de ces mêmes quartiers sensibles, Rachid Santaki pose le problème, et cherche, avec beaucoup d'humilité, les causes profondes qui peuvent conduire à de tels effets. L'auteur va notamment suivre le procès de ces trois jeunes et nouer un contact particulier avec Sofiane et son entourage. Cerner la psychologie des auteurs de cet homicide, comprendre leurs motivations profondes. Aux racines de la violence. 

Laisse pas traîner ton fils est donc une analyse lucide de la violence dans l'ensemble de notre société, et plus particulièrement au sein des jeunes générations. Violence sur fond de trafics de drogue et d'affrontements entre de jeunes bandes rivales. Des guerres de cité, mais pas seulement. Ou plus seulement. La violence urbaine n'est pas un phénomène nouveau mais ses causes et ses effets suivent une évolution globale de la société. L'auteur pointe notamment du doigt le rôle dévastateur des réseaux sociaux sur le comportement des jeunes. Dans la société en général, dans le monde en général. 

Je ne tiens pas à en dévoiler davantage mais je vous recommande vivement de lire ce roman coup de poing écrit avec beaucoup d'humilité, de pudeur et d'empathie. La construction de ce récit est assez décousue, dépouillée, car à l'image du cheminement intellectuel suivi par l'auteur. Je peux me tromper mais de mon point de vue Rachid Santaki a essayé de repartir de zéro afin de ne pas se limiter dans sa réflexion et sa volonté de comprendre les raisons d'un tel acte, d'expliquer l'inconcevable. Presque un exercice de tâtonnement, très dur pour l'auteur qui a grandi dans ces cités et vit avec sa famille à Saint-Denis. La prise de recul ne peut pas être complète, le vécu et l'expérience sont importants mais il faut essayer de s'affranchir de certaines croyances ou certitudes pour ne pas passer à côté d'un élément déterminant. 

Enfin, je trouve que l'auteur fait très bien ressortir le fait qu'ici on n'est vraiment pas dans le monde des bisounours. C'est un fait, des jeunes ne s'en sortiront jamais, alternant les séjours en prison et les remises en liberté, certains d'entre eux ne feront pas de vieux os. Un nombre loin d'être négligeable. Au final, un livre à la fois intéressant, saisissant et terrifiant. 

Rachid Santaki, Laisse pas traîner ton fils, Points, 185 pages, sorti pour la première fois en France en 2020. 

Je vous conseille aussi:

1 commentaire:

  1. Voilà un livre intéressant par le sujet traité !
    Merci pour cette découverte à travers ta belle chronique.
    Bonne journée !

    RépondreSupprimer