lundi 25 mars 2024

En moi le venin, de Philippe Hauret

 

Patron, servez-moi un roman noir, serré et goûtu de Philippe Hauret. Le goût acide du venin qui empoisonne les veines des personnages de ce livre. Des personnages qui vivent au jour le jour, englués dans une société malade toujours plus fracturée, morcelée, individualiste. Une société qui ne porte plus aucun projet commun à long terme, et qui valorise uniquement une réussite immédiate, matérielle et financière. 

En moi le venin est donc un récit à plusieurs voix qui dresse le portrait au vitriol d'une ville moyenne de la France d'aujourd'hui entre chômage, insécurité, montée des extrémismes, et uniformisation du paysage. On y trouve un ancien flic revenu dans sa ville natale pour enterrer ses parents et vider la maison familiale. 

L'occasion pour lui de renouer avec Esther, son amour de jeunesse, qui n'a jamais quitté la ville, n'a pas fondé de famille, et occupe actuellement le poste de directrice de campagne de Maxence Reynaud, candidat aux prochaines élections municipales. Sorte d'obsédé sexuel, estampillé droite identitaire, mais qui promet tout et n'importe quoi pour se faire élire. Un personnage déstestable qui ne sert que ses propres intérêts, et qui est soutenu par le caïd local, Valéry, officiellement patron d'une discothèque, et officieusement proxénète. 

Un sinistre personnage pour qui la petite délinquance est un problème pour la bonne marche de son business, alors, encore une fois, par pur intérêt personnel, il va soutenir une pourriture. La fin justifie les moyens. 

Et puis il y a Ben, dont la grande misère affective et sexuelle le conduit à prendre pour femme de substitution une poupée gonflable ; Cécile, une mère célibataire et dépressive qui subit du harcèlement sexuel de la part de son patron ; Et Chana, une jeune polonaise victime de prostitution forcée. 

Et tous ces destins vont finir par s'enchevêtrer pour le pire. Tous ces personnages représentatifs d'une France périurbaine déboussolée. Au final, un roman noir social - on est très loin du thriller commercial calibré - écrit dans un style économe et limpide, sans gras, sans fioritures. J'avais bien aimé Je suis un guépard qui s'inscrit dans la même veine. J'ai également bien aimé celui-ci. 

Philippe Hauret, En moi le venin, Jigal Polar, 223 pages, sorti en 2021. 

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1 commentaire:

  1. Merci pour ce joli retour . J'avais déjà fortement apprécié votre chronique sur " Je suis un guépard ".
    Si vous le désirez, je peux vous faire parvenir un exemplaire d'un de mes romans pour vous remercier.
    Ceux qui ont suivi EMLV sont d'une facture plus humoristique ( Ange, Mauvais daron) mais restent toujours ancrés dans une certaine réalité sociale.
    Bonne journée.

    hauret.philippe@neuf.fr

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