lundi 11 avril 2016

Corrosion, de Jon Bassoff


"Mon esprit volait en éclats et mes souvenirs étaient ceux d'un autre." Cette courte phrase du livre vous donne un aperçu très précis de ce qu'est Corrosion, véritable ovni littéraire. Je n'évoquerai dans cette critique que la première partie de la phrase. Parler de la deuxième partie m'obligerait à dévoiler l'intrigue, ce qui serait dommage. Ken Bruen, qui a critiqué ce roman noir comme le cauchemar, compare Jon Bassoff à des auteurs célèbres. Alors oui, il y a chez ce jeune écrivain du Jim Thompson pour l'épouvantable noirceur qui se dégage de Corrosion, du Chuck Palahniuk pour le côté désespérément fou du personnage central du roman, et du David Lynch pour l'atmosphère décalée et post-apocalyptique. 


Effectivement, l'action du roman se déroule de nos jours dans le Colorado. Et il y a bien quelques repères qui nous ramènent au temps présent, mais pour le reste, on se croirait revenu au temps du Far West ! L'auteur décrit un monde de désolation, chaotique, au seuil de l'apocalypse. L'Amérique du néant !

J'ajouterai John Ridley et Hubert Selby Jr aux comparaisons avec d'autres auteurs. John Ridley par rapport au début du roman. Petit rappel: le roman culte de cet auteur Ici commence l'enfer a été adapté au cinéma par Oliver Stone, sous le titre U Turn, avec Sean Penn, Jennifer Lopez (son meilleur rôle au cinéma d'ailleurs), et Nick Nolte. Dans Corrosion, le personnage principal n'est pas un truand. C'est un vétéran d'Irak au visage défiguré, mais qui, tout comme Sean penn, débarque dans un bled paumé pour faire réparer sa voiture qui vient de rendre l'âme. Le genre de purgatoire terrestre que t'as vite envie de quitter. Joseph va aussi y rencontrer sa "Jennifer", qui s'appelle Lilith, et qui aimerait bien aussi se débarasser de son encombrant mari. 

Stop pour la comparaison avec U Turn. Et Start pour la ressemblance avec Le Démon d'Hubert Selby Jr. Car ce roman cauchemardesque bascule vite dans la folie. Un chant funèbre sur un monde de démence et de sang. Car Joseph Downs est un barje de la pire espèce! 
Je pense qu'il me faudra une deuxième lecture de Corrosion pour en comprendre le sens, et en saisir toute la subtilité. Car ce roman sur la folie recèle une symbolique très élaborée, par exemple au niveau des personnages. Lilith, la femme que rencontre Joseph Downs dans le bar du bled, porte le même nom qu'une figure démoniaque de la tradition juive. Et Benton Faulk, autre personnage du roman, fait référence à William Faulkner, grand écrivain américain de romans très sombres, très noirs. En outre, l'intrigue est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. 

Au final, je retiendrai ce que Jon Bassoff a écrit sur la première page de mon exemplaire du livre, lors de notre sympathique rencontre, samedi dernier: "Enjoy the madness". Prendre ce roman au second, voire au troisième degré. Apprécier l'originalité de ce court roman. Garder ses distances par rapport à cette histoire abominable. Qui n'est qu'une histoire finalement ! Une histoire de fous. Mais un fou qui évolue dans un monde de fous est-il réellement fou ? 

Jon Bassoff, Corrosion, Gallmeister, 240 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Anatole Pons, sorti en 2013 (Etats-Unis) 2016 (France)

Je vous conseille aussi:

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire