lundi 27 août 2018

Ceci est mon corps, de Patrick Michael Finn


Ceci est mon corps appartient à ces romans qui privilégient la dureté des rapports humains et les atmosphères très glauques, et qui, se faisant, se distinguent des purs romans criminels. Pas de meurtre, pas d'enquête, pas de détective, ici on est dans le domaine du roman noir comme le cauchemar. Tel que Nuit de fureur de Jim Thompson, Rue barbare de David Goodis, ou Cauchemar dans la rue de Robin Cook. 

Il se dégage du premier roman de l'américain Patrick Michael Finn une désespérante noirceur que ne vient éclairer aucune lueur d'espoir. Pas de happy end à l'américaine, juste la réalité impitoyable d'une petite bourgade du midwest imprégnée de la haine et de la frustration des pauvres gens qui y vivent. 


L'intrigue de ce court roman noir échevelé se passe exclusivement dans la petite ville de Joliet, dans l'Illinois. Alors comment vous dire ? Ceci est mon corps ne rend pas vraiment hommage à cette bourgade ouvrière du Midwest américain, bien au contraire. On est très très loin du rêve américain, le fameux American Dream. Une vieille aciérie rouillée qui fait vivre toute la population, "un canal sur lequel voguent des péniches chargées de fioul, de charbon, de détritus ou de fers à béton", des églises, des maisons en mauvais état, et un bar miteux. Le cauchemar américain, une ville de perdition, de désolation et de dépravation. L'enfer sur terre, c'est le moins que l'on puisse dire.

C'est dans cette ville de misère que vit la jeune Suzy Kosasovich. Une jeune fille discrète, sage, qui ne se fait jamais remarquer, et qui grandit au sein d'une famille très pieuse. Seulement voilà, la religion ne suffit pas à Suzy, qui ne veut plus être discrète et silencieuse. Suzy a envie de s'éclater, et de sortir avec les ados "branchés" du quartier. L'occasion lui est offerte le jour du Vendredi saint, "premier jour des vacances de Pâques, lors duquel la plupart des pères de la ville effectuaient des roulement supplémentaires à l'usine, payés triple, alors que les mères demandaient à faire des extras dans leurs boulots respectifs, eux aussi mieux payés. C'était surtout le seul jour de l'année où Fat Kuputzniak noyait son chagrin dans une biture monumentale et ouvrait le Zimne Piwo Club à quiconque disposait de trois sous." 

Pas un adulte en vue, que des gamins excités qui vont venir prendre la biture de leur vie dans ce bar minable. Et Suzy va y aller dans ce bar. Un rêve pour elle, qui va vite tourner au cauchemar. Un voyage au bout de l'enfer, sorte de mix maléfique entre Las Vegas Parano, Les lois de l'attraction et Orange mécanique. Une nuit de fureur, sans rédemption. Bon, vous l'aurez compris, on est dans le domaine du roman noir majuscule. Avec son style cru, réaliste, descriptif, Patrick Michael Finn signe un fulgurant récit à l'atmosphère très sombre, très glauque. Le portrait décadent d'un bled paumé. Une oeuvre terrifiante qui vous prend à la gorge et qui ne vous lâche plus. Une longue apnée noire. Difficile, pendant un moment, de reprendre son souffle après avoir vécu cette expérience éprouvante. 

Patrick Michael Finn, Ceci est mon corps, Les Arènes, 189 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Yoko Lacour, sorti en 2008 (Etats-Unis) 2018 (France) 

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L'enfer de Church Street, Jake Hinkson

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