mercredi 26 juillet 2017

L'Enfant invisible, de Cornelia Read


"- Personne n'a pris la défense de ce gamin tant qu'il était en vie. Il faut que quelqu'un le fasse maintenant.
- Je sais.
- Tiens bon.
- Promis.
- Simplement, évite de nous faire tous tuer, d'accord?
- je ferai de mon mieux.
- On ne t'en demande pas plus.
- Oui.
- Tu as fini de dégueuler?
- J'espère.
- Alors brosse-toi les dents. Et reviens te coucher." 




Cet extrait est, pour moi, vraiment représentatif de l'atmosphère qui règne dans ce roman noir, tant dans sa forme que dans son contenu: beaucoup de dialogues incisifs, d'échanges entre les personnages du livre; Un humour féroce, irrévérencieux, cynique ; Mais une sensibilité, une empathie viscérale envers les problèmes qui peuvent toucher l'humain. Un cri du coeur déchirant contre la barbarie, et l'injustice qui règnent en ce bas monde. Dans L'enfant invisible, on retrouve bien sûr le personnage fétiche de Cornelia Read, la pétillante et désarmante Madeline Dare, qui vient de s'installer à New York avec son mari Dean. Le couple partage un petit appartement avec  une amie, Sue, et Pagan, la soeur cadette de Madeline. Une atmosphère digne d'un épisode de Friends. C'est le côté sympa, léger du roman. 

Mais la dure réalité reprend vite le dessus. Nous sommes au début des années 90, les fortes tensions communautaires et raciales menacent l'équilibre du pays, héritage du reaganisme qui a creusé les inégalités sociales et accentué la pauvreté. Le taux de criminalité atteint des niveaux records, notamment à New York. La drogue dure est présente dans toutes les strates sociales, dans tous les quartiers. D'ailleurs Madeline et sa tribu ne sont pas en reste, bien au contraire! Dans ce contexte tendu, Madeline va découvrir par hasard le cadavre abandonné d'un enfant noir de trois ans. Une plongée abyssale dans la maltraitance infantile. 

Ce que j'ai aimé dans ce roman finalement très noir, malgré son aspect parfois décalé, c'est que l'auteure nous fait passer par tous les stades de l'émotion humaine: joie, rire, colère, tristesse, stupeur, indignation. Même si la colère et l'indignation finissent par prendre le dessus sur tout le reste. Les cent dernières pages du livre sont éprouvantes, Cornelia Read nous obligeant à regarder en face l'intolérable. Sur la forme, le style d'écriture de l'auteure est assez singulier. Un mélange de simplicité et de sophistication, entre humour parfois très cru, et histoires truffées de références culturelles. Mais une écriture pleine d'énergie et de vitalité. Mélange de comédie grinçante anticonformiste et de roman noir social, tour à tour hilarant et d'une noirceur sans espoir, L'enfant invisible est le roman le plus abouti, le plus puissant de Cornelia Read. 

Cornelia Read, L'Enfant invisible, Babel, 520 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Laurent Bury, sorti en 2010 (Etats-Unis) 2011 (France)

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