mardi 1 août 2017

Seules les bêtes, de Colin Niel


"Comme quand t'es gamin et que tu te dis que le causse c'est le plus bel endroit du monde sans voir ce futur qui se prépare, sans savoir que plus tard ces steppes sans fin tu pourras plus les regarder sans avoir envie de chialer. Et en moi j'ai senti revenir les noeuds de la solitude. Alors pour me donner du courage, j'ai bu deux verres de gentiane."

Le causse, un plateau désertique situé dans le Massif central français, en pleine diagonale du vide. Evelyne Ducat, femme d'un riche notable local, n'est jamais revenue de sa randonnée dans cette terre sauvage et isolée. Le mystère de sa disparition reste entier. Cinq personnes racontent, l'une après l'autre, leur propre version de l'histoire. Cinq récits, cinq perceptions de la réalité, cinq destins qui s'enchevêtrent parfois pour le meilleur, souvent pour le pire: Alice, l'assistante sociale, qui soutient les agriculteurs de la région ; Joseph, agriculteur du plateau du causse, et amant d'Alice ; Maribé, une jeune femme instable, qui est venue vivre dans ce coin perdu pour suivre sa maîtresse du moment, qui n'est autre qu'Evelyne Ducat ; Armand, un jeune africain qui vit à des milliers de kilomètres du causse ; Et Michel, le mari de l'assistante sociale. Tous acteurs et victimes d'un drame si terriblement humain, si tragiquement absurde. Cinq pièces d'un même puzzle machiavélique, voire même maléfique.

Auteur confirmé, Colin Niel signe, avec Seules les bêtes, un roman noir comme le cauchemar, remarquablement construit, et totalement abouti. Un véritable échiquier du mal que les hommes et les femmes s'infligent entre eux. L'intrigue, complexe et subtile, prend d'ailleurs une tournure totalement inattendue à partir du quatrième récit. Tout est subtilement et efficacement contrôlé de la part de l'auteur qui brouille les pistes, rattache des faits entre eux, et crée des passerelles entre les cinq récits. La narration à la première personne, qui s'applique à chaque récit, permet de comprendre la psychologie et les motivations profondes des cinq protagonistes de cette terrible histoire. C'est bluffant. 

En outre, Colin Niel dresse un portrait réaliste du monde rural, avec ses contraintes économiques, sociales, et climatiques. De nombreux agriculteurs rencontrent des difficultés économiques, associées parfois à l'isolement et à la solitude. Ce qui peut entraîner de terribles conséquences, dont certaines sont décrites dans ce roman noir. Enfin, le style d'écriture de l'auteur est très dynamique, très limpide, avec une volonté de coller à la réalité sociale et linguistique de chaque personnage. Par exemple, le récit d'Armand, le jeune africain, est truffé d'expressions argotiques locales. Bref, un roman noir saisissant, puissant, orchestré de main de maître. 

Colin Niel, Seules les bêtes, Editions du Rouergue, 215 pages, sorti en 2017.

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