dimanche 16 septembre 2018

Un bon écrivain est un écrivain mort, de Guillaume Chérel


"Augustin Traquenard n'hésita pas un instant. Il accepta d'emblée la proposition de venir animer une rencontre littéraire, durant un week-end, au monastère de Saorge. Elle était arrivée par courrier, adressé par un mystérieux inconnu." "Et à lieu exceptionnel, hôtes exceptionnels. Le courrier précisait qu'autour de cette table ronde censée déclarer officiellement ouverte la cérémonie de la sacro-sainte rentrée littéraire étaient conviés dix grands écrivains à succès, triés sur le volet, figurant tous dans la liste des meilleures ventes de l'année: Frédéric Belvédère, Michel Ouzbek, Amélie Latombe, Delphine Végane, David Mikonos, Kathy Podcol, Tatiana de Roseray, Christine Légo, Jean de Moisson et Yann Moite. Que du lourd, donc. Du très vu-à-la-télé." "En effet, Marc Lévide et Guillaume Muzo, pourtant sur la première marche au classement des best-sellers, avaient été oubliés, voire superbement ignorés." Dix écrivains célèbres qui se retrouvent enfermés dans un monastère niché au coeur des alpes maritimes, afin de participer à une conférence littéraire animée par un certain Augustin Traquenard. Il y a quand même des signes qui ne trompent pas, qu'en pensez-vous ? Pas besoin d'être Madame Irma pour prédire la suite des évènements. Il y a du traquenard dans l'air, et pas qu'un peu. Le Dix petits nègres d'Agatha Christie revisité à la sauce Guillaume Chérel. Un pastiche de polar déjanté, ironique, cynique, sarcastique. Un roman à l'humour souvent féroce, truffé de références et de clins d'oeil. 

L'irrévérencieux Guillaume Chérel signe un pamphlet comique contre le milieu littéraire parisien, en dressant des portraits au vitriols des ses plus illustres représentants. Assurément remonté contre les Frédéric Beigbeder, Michel Houellebecq, Yann Moix, Amélie Nothomb, Tatiana de Rosnay, Christine Angot, pour ne citer qu'eux, l'auteur ne mégote franchement pas sur la charge qu'il leur assène. Tout le monde en prend  pour son grade. Pourtant, à la fin du livre, l'auteur écrit: "Qui aime bien charrie bien... J'en ai côtoyé certains de près et qu'ils soient assurés - si d'aucun(e) en prenait ombrage - que c'est bien une sorte d'hommage." Mouais, un hommage quand même bien tordu, bien retors. J'espère que les écrivains concernés ont un solide sens de l'humour, sinon il ne vaut mieux pas qu'ils se lancent dans la lecture de ce livre incisif et implacable. Même s'il est vrai que l'auteur fait parfois preuve d'une certaine tendresse à l'égard de ses personnages qui n'en sont pas. Je dis bien parfois ! 

De manière plus générale, Un bon écrivain est un écrivain mort est un brûlot sur ce que la littérature représente pour l'auteur: un acte de résistance, un moyen d'agiter les consciences, de développer l'esprit critique, et la curiosité intellectuelle. Et pour Guillaume Chérel, la littérature française contemporaine est totalement à l'opposé de cette représentation. C'est désormais un business comme un autre, très médiatisé. Un bon écrivain est un écrivain qui sait se vendre, s'afficher, faire du buzz à la télé et sur les nouveaux réseaux sociaux. Avec une bonne dose de marketing. Un écrivain prolifique qui saura sortir un livre par an. Une production en général facile à lire, sans prise de tête pour les lecteurs qui ont besoin de s'évader. Enfin, non, excusez-moi, un bon écrivain... est un écrivain mort !

Guillaume Chérel, Un bon écrivain est un écrivain mort, J'ai lu, 256 pages, sorti en 2016

Je vous conseille aussi:
Presse-people, Carl Hiaasen
Delicious, Mark Haskell Smith


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire