lundi 31 janvier 2022

La France tranquille, d'Olivier Bordaçarre

 

Olivier Bordaçarre ou une certaine vision de la réalité. Dans ce polar saignant et surtout très noir, l'auteur dévoile les coulisses d'une France rurale mortifère. Olivier Bordaçarre dresse le portrait au vitriol de Nogent-les-Chartreux, petite ville fictive perdue au milieu de la grande plaine de la Beauce française. Où, en apparence, il ne se passe jamais rien. C'est d'ailleurs pour cette raison que Nadine, l'ex-femme du commandant de gendarmerie Paul Garand, a quitté la ville avec la promesse de ne plus jamais y revenir. Nadine et Paul continuent quand même de s'appeler tous les jours. Ces conversations représentent comme une bouffée d'oxygène dans la triste vie de Paul, qui sombre un peu plus chaque jour dans la dépression et l'obésité. Le commandant attend la retraite avec impatience pour pouvoir se consacrer à la pêche à la ligne. 

Son autre bouffée d'oxygène. Que Paul pratique le dimanche quand il n'est pas dérangé par le travail. Par exemple quand son fidèle second l'appelle en urgence pour un meurtre sanglant. Vachement rare à Nogent-les-Chartreux. Mais malheureusement d'autres meurtres vont se produire, tous commis sur des habitants de la ville. Et tous portant la même signature. Un serial killer à Nogent-les-Chartreux, qui l'eût cru ? C'est peur sur la ville, et ça va partir dans tous les sens, c'est le moins que l'on puisse dire. 

Dans La France tranquille, il s'agit moins pour Olivier Bordaçarre de trouver le tueur que de se livrer à une sorte d'expérience sociologique sur la propagation de la peur et ses conséquences. La peur répandue par un tueur qui n'assassine sauvagement que des habitants de la ville. Et forcément personne, parmi ces habitants, n'a envie d'être le prochain sur la liste. Mais il y a toujours une nouvelle victime. En outre, le tueur n'est peut-être pas un "étranger", contrairement à ce qui se dit dans certains milieux autorisés, ou pas. Mais quelqu'un que, peut-être, vous connaissez ou côtoyez. Un voisin, un commerçant, un élu. Qui sait ? 

Polar engagé, La France tranquille est aussi intéressant dans sa mécanique purement policière que dans son arrière-fond social, sociétal. Dans ma précédente critique, je me suis plaint de la pauvreté du style d'écriture de l'auteur. Dans ce roman, c'est presque le contraire. Olivier Bordaçarre me fait penser à l'auteur américain Jim Nisbet au niveau du style d'écriture, et des thèmes abordés. Jim Nisbet est un écrivain californien qui excelle à décrire, très en profondeur, les dérives et les excès de l'Amérique contemporaine. Mais son style d'écriture est très riche, sophistiqué, et truffé de références culturelles, voire historiques. Qu'il faut donc connaître un minimum si on veut comprendre davantage le récit. Bref, Jim Nisbet n'est pas d'une lecture évidente. 

Je n'irai pas jusqu'à faire exactement la même analyse pour Olivier Bordaçarre, mais c'est globalement l'idée. De nombreuses phrases du roman, véhiculant une stupéfiante quantité d'informations, signalent une attention et une vigilance terribles, et y contraignent le lecteur. D'un côté, cela donne du caractère et de la densité au récit. De l'autre, cela manque parfois de clarté. Au final, un polar d'atmosphère pétri d'humanité, dans le meilleur comme dans le pire. Et aussi un roman d'auteur très noir mais non dénué d'un certain humour. 

Olivier Bordaçarre, La France Tranquille, Milady Bragelonne, 279 pages, sorti pour la première fois en France en 2011.

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