mardi 7 mars 2023

Fakirs, d'Antonin Varenne

 

Loin de moi l'idée de faire de la réclame pour telle ou telle maison d'édition, mais le Prix du Meilleur Polar décerné chaque année par les Editions Points constitue, de mon point de vue, une récompense de valeur et un vrai gage de qualité. Chaque année, un jury composé de lecteurs et de libraires nomme un vainqueur parmi une sélection de polars édités en version poche chez Points. Et force est de constater que la plupart des lauréats de ce prix sont devenus des polars cultes, des incontournables du genre. Je citerai dans le désordre Les Lieux infidèles de Tana French, Baad de Cédric Bannel, Iboga de Christian Blanchard, ou encore Une disparition inquiétante de Dror Mishani. Globalement, tous les polars primés méritent largement cette récompense, tous sans exception. Enfin, si, pour moi, il y en a une d'exception. 

Fakirs, d'Antonin Varenne, a reçu le Grand Prix en 2010. Je n'ai pas pu retrouver quels étaient les autres polars sélectionnés cette même année, mais c'est la première fois que je ne suis pas d'accord avec le "verdict". J'ai terminé le livre, c'est la raison pour laquelle j'écris cette critique, mais mon avis est partagé, mitigé. 

Je vais commencer par les points positifs, et un terme me vient immédiatement à l'esprit pour décrire l'atmosphère qui règne dans ce livre : originalité. Fakirs est clairement un polar qui sort des sentiers battus, on est très très loin des thrillers calibrés, normés. L'auteur montre un talent certain pour camper des personnages peu ordinaires, qui évoluent finalement en marge de la société, voire même en dehors du temps. 

Il y a tout d'abord Alan Mustgrave, le fakir en question, un américain, sorte d'écorché vif de la vie (sans mauvais jeu de mot), qui meurt sur scène à Paris dans d'étranges circonstances. Accident, meurtre, suicide ? Si c'est un suicide, alors l'affaire sera gérée par l'étrange et inquiétant commissaire Guérin. Un vieux garçon qui partage sa vie avec un perroquet dépressif pratiquant l'automutilation. Guérin aussi s'automutile, à force de chercher sans cesse à établir des liens et des connexions totalement improbables entre des événements distincts. Guérin est devenu un paria du 36 Quai des Orfèvres, relégué dans un bâtiment dont le plafond fuit et menace de s'écrouler à tout instant. 

Heureusement le commissaire peut compter sur le soutien fidèle de son adjoint Lambert, qui porte des joggings à l'hygiène douteuse et passe l'essentiel de ses journées à observer l'évolution de la tâche d'humidité au plafond. Lambert conduit également son patron sur chaque scène de suicide dans un Paris crépusculaire et hors du temps. Enfin, pour compléter le tableau, il y a John, le meilleur ami du fakir mort, un américain qui vit sous une tente au bord d'un ruisseau dans le Lot. Et John ne croit ni à l'accident ni au suicide. Pour lui, c'est un meurtre, alors Guérin et son abruti d'adjoint ont intérêt à se bouger pour découvrir la vérité. Ce n'est pas gagné, vous vous en doutez.

Ha oui j'allais oublier de vous parler d'un dernier personnage et non des moindres. Dans sa quête de vérité, John va croiser la route d'un ancien taulard devenu gardien du parc du Palais du Luxembourg. Une rencontre fortuite qui va se transformer en une véritable amitié, pour le meilleur et surtout pour le pire.

Une galerie de personnages haute en couleurs, vous l'aurez compris, dans ce roman peu banal écrit dans un style très particulier, auquel, je l'avoue, je n'ai jamais vraiment réussi à accrocher. C'est clairement le point négatif de ce roman pour moi. Pourtant, j'avais déjà lu un roman de cet auteur, CAT 215. Et je n'avais pas été gêné outre mesure par l'écriture d'Antonin Varenne. Mais ici, je n'ai pas du tout retrouvé le même plaisir de lecture. En cause, le manque de clarté et de limpidité. J'ai dû relire plusieurs fois certains passages avant de pouvoir les comprendre clairement. 

Enfin, l'humour cohabite étrangement avec une noirceur épouvantable que ne vient éclairer aucune lueur d'espoir. Une alternance qui m'a, dans ce cas précis, un peu destabilisé. En général, ce n'est pas pour me déplaire, bien au contraire. Mais ici, j'ai eu du mal à m'y faire. 

Au final, Fakirs repose sur une intrigue complexe et des personnages hors normes évoluant dans une atmosphère très spéciale et très noire. Un polar peu ordinaire, dans tous les sens du terme. Le bon comme le mauvais. 

Antonin Varenne, Fakirs, Points, 307 pages, sorti pour la première fois en France en 2009.

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