vendredi 27 janvier 2017

La Tristesse du Samouraï, de Victor del Arbol


"Viendra même un temps où les proches de cette famille maudiront l'homme pendu au gibet. Pourquoi avait-il fallu qu'il s'éprenne de la femme d'un chef de la Phalange? Que s'était-il imaginé? Avec une fasciste, avec la femme d'un fasciste, avec la mère d'un fasciste. La vérité n'intéressera personne". L'homme pendu au gibet, c'est Marcelo Alcalà, un instituteur de campagne modeste qui a eu le malheur de tomber amoureux d'Isabel Mola. Une femme battue par son mari fasciste, qui finira assassinée par son amant, Gabriel Bengoechea. Le pauvre Marcelo n'est pas l'amant, non. C'est le pauvre bouc émissaire, le coupable idéal, un innocent qui finira pendu en prison. Le véritable commanditaire n'étant autre que le mari d'Isabel, manipulé par son bras droit Publio. Une pourriture de la pire espèce, un des personnages les plus abjects jamais créé par un auteur de roman noir. 

Et toute cette tragédie si terriblement humaine aura des conséquences dramatiques sur les descendants de Marcelo, d'Isabel, et de Gabriel. Comme une malédiction qui s'abat sur un monde loin d'être manichéen !

La Tristesse du Samouraï est un roman atroce, prenant, implacable. Impitoyable. Oui, impitoyable est vraiment le terme qui qualifie cette épouvantable histoire racontée par un écrivain de talent. Car il fallait un sacré souffle pour écrire ce roman dur, très dur, éprouvant. Certaines scènes sont très crues, à la limite du supportable. L'auteur a mélangé avec virtuosité plusieurs genres: Roman noir, polar historique, thriller sanglant, et suspense psychologique, voire même philosophique, existentialiste. Un tour de force qui s'achève dans un dénouement épique, sanglant et noir comme le cauchemar. Mais à époque dure, roman dur. En effet, l'histoire se déroule sur deux périodes bien distinctes: l'Espagne franquiste pendant la seconde guerre mondiale, et le début des années 80, alors que le pays sort tout juste de la dictature du général. Des décennies passées à vivre dans la terreur, qui ont complètement détraqué le psychisme de toute une population. Cela ressort vraiment dans la psychologie des personnages de ce livre.

La Tristesse du Samouraï repose sur une intrigue complexe, subtile, et taillée au couteau. Ou plutôt au sabre! Le sabre du Samouraï. C'est une histoire poignante d'amour et de haine, de jalousie et de vengeance, de trahisons et de mensonges, de pouvoir et de manipulation. Un chant funèbre sur un monde de démence et de sang, une fresque épique et surtout très violente, une toile machiavélique tissée par un auteur surdoué. En effet, pour son premier roman, Victor Del Arbol montre une maîtrise impressionnante dans la conduite de son récit. L'auteur ne tombe jamais dans la façilité, et parvient à rendre limpide une histoire complexe qui suit trois générations d'espagnols. Le style est riche, sophistiqué, mais très clair. Bref, un thriller très noir totalement abouti, qui révèle un auteur talentueux. 

Victor del Arbol, La Tristesse du Samouraï, Babel, 480 pages, traduit de l'espagnol par Claude Bleton, sorti en 2011 (Espagne) 2012 (France)

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