samedi 4 février 2017

Entre hommes, de German Maggiori


"- Conduis et boucle-la, Almada, parce qu'avec la chiasse que j'ai, je me marre et je me chie dessus direct." "Parce que la vidéo appartenait à un mort que j'ai même pas respecté, parce que la télé et le magnéto sont chourés, parce que la came est en train de me ronger le cerveau, parce que je suis un perdant de plus d'une génération perdue, parce que..." Deux phrases résumant bien l'atmosphère qui règne dans ce polar argentin: humour et désespoir. Des scènes atroces qui alternent avec des passages franchement comiques, une intrigue échevelée, des personnages complètement barrés, que des hommes d'ailleurs, ce qui explique le titre du livre. Les tontons flingueurs version latino. 

Que des mecs avec des surnoms improbables: Almada le Timbré, Garmendia le Monstre, Diana le Boucher, Cortez le Tucumano, Zabala la Trombine, je m'arrête là, car la liste est longue. Tout ça ne vous rappelle rien? Mais si, on se croirait dans un bon vieux film de Quentin Tarentino. Si un jour ce livre tombe entre les mains du réalisateur américain... Car Entre hommes est un polar tarantinesque, donc violent, crépusculaire, halluciné et hallucinant. Mais ne vous y trompez pas. Malgré son côté déjanté, voire absurde, Entre hommes est une histoire noire comme le cauchemar. Un enfer métaphysique, un polar désenchanté et désespéré. Un constat terrible sur le monde en général, et l'Argentine en particulier. German Maggiori décrit une société désemparée, chaotique, au seuil de l'apocalypse. L'action du roman se déroule entièrement à Buenos Aires, la capitale de l'Argentine. Une mégapole crépusculaire, vertigineuse, une cité de la peur, rongée par la violence, la drogue et surtout la misère. 

Sur le fond, German Maggiori a imaginé une intrigue tordue, floue à l'image de l'atmosphère qui règne dans ce roman. Car il est difficile de faire la différence entre les bons et les méchants dans ce roman très noir: les flics sont aussi pourris que les voleurs. L'histoire est bien sordide: deux flics sont chargés de retrouver une vidéo, qui peut s'avérer compromettante pour des huiles de la haute société argentine. Cette vidéo montre une orgie de sexe et de drogue entre un sénateur, un juge, un banquier, deux travestis et une jeune prostituée. Problème: la prostituée meurt d'une overdose en pleine action. L'orgie a été organisée par un truand de la pire espèce, qui tue les travestis, et s'enfuit avec la vidéo qu'il doit normalement remettre à un individu appelé le Vengeur. Nouveau problème: le truand est retrouvé mort dans un immeuble en construction, et la vidéo a disparu. Bref, une histoire glauque et tordue à souhait!

Sur la forme, le style de l'auteur est percutant, cru, brut de décoffrage. Des dialogues enlevés, qui fusent, tels des uppercuts que vous vous prenez en pleine face. Une atmosphère digne des meilleurs romans de James Ellroy, David Goodis, ou encore Robin Cook. C'est spectaculaire, sauvage, sombre. J'ai aimé aussi le côté philosophique, avec notamment un passage hallucinant qui expose la théorie de l'Homo toxicus. Terrifiant! Au final, Entre hommes a été qualifié par la presse de "meilleur polar argentin de tous les temps". J'ai lu très peu de polars argentins, donc je ne sais pas si Entre hommes mérite vraiment cette distinction. Ce qui est sûr en tout cas, c'est que c'est un très bon roman noir. 

German Maggiori, Entre hommes, La dernière goutte, 372 pages,  traduit de l'espagnol (Argentine) par Nelly Guicherd, sorti en 2013 (Argentine) 2016 (France)

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