mercredi 24 juillet 2019

Cet été-là, de Lee Martin


Début des années 70, dans une petite ville de l'Indiana, un Etat du Midwest des Etats-Unis, l'été bat son plein, Les MacKey mènent une vie tranquille dans une bourgade où il ne se passe jamais rien d'extraordinaire. Malheureusement, pour cette famille parfaite qui reflète la réussite à l'américaine, cet été-là va se transformer en cauchemar. La jeune Katie Mackey montera sur son vélo pour rapporter des livres à la bibliothèque, mais elle n'arrivera jamais à destination. Cet été-là raconte comment les habitants de la ville ont vécu cet événement tragique. 

En particulier, quatre personnes qui ont joué un rôle central dans ce drame terrible survenu dans une ville engluée dans la torpeur et la moiteur d'un été interminable: Henry Dees, le professeur de mathématiques qui donnait des cours particuliers à la jeune fille, un éternel célibataire qui vouait à Katie une admiration très ambigüe; Gilley, le frère aîné de Katie qui se sent responsable de sa disparition; Raymond R. le principal suspect dans la disparition de la jeune fille, un loser drogué et psychologiquement instable, incapable de garder longtemps un job; Et Clare, sa femme, qui préfère occulter le côté obscur de son mari, car trop contente que celui-ci l'ait épousée et l'ait empêchée de rester veuve jusqu'à la fin de ses jours. Des portraits de vies dressés avec réalisme, humilité et empathie. 

Cet été-là séduit vraiment par son originalité. Originalité dans la construction du récit, véritable polyphonie narrative. Ce roman est donc habité par plusieurs énonciateurs entre lesquels l'auteur distille les indices, les pistes qui permettent petit à petit de reconstituer toute l'histoire, et de dévoiler la vérité sur la disparition de Katie MacKey. Tout est donc subtilement et efficacement contrôlé de la part de Lee Martin qui dose savamment le suspense et tient ainsi en haleine ses lecteurs jusqu'au bout. Ensuite, originalité dans l'approche psychologique d'un drame qui vient secouer une petite ville perdue au fin fond de l'Amérique, où tous les habitants se connaissent. Je trouve que les réactions, les comportements des personnages sont crédibles, proches de la réalité. Bien sûr, l'auteur va encore plus loin dans son analyse psychologique des quatre personnages principaux de l'histoire. 

Car Cet été-là est avant tout une plongée très subtile et très complexe dans les méandres tortueux de la psychologie humaine. Les blessures de l'enfance et leur incidence sur la vie, le vécu familial, l'environnement, le lieu, l'époque, la part de lumière, mais aussi la part d'ombre qui va influencer certaines décisions,  scellant à jamais le destin de personnes innocentes. Une réalité parfois dérangeante, voire même malsaine, que l'auteur embrasse avec une grande justesse du regard, avec une acuité psychologique, avec une profondeur d'esprit qui lui permettent de ne jamais tomber dans une vision trop simpliste, ou manichéenne des évènements. Il s'agit, comme le souligne l'auteur en fin de roman, de "prendre en considération les vies imparfaites des gens, si répugnantes et magnifiques qu'elles puissent être, dans une petite ville imaginaire de l'Indiana".

Enfin, l'intérêt de ce thriller psychologique réside dans son atmosphère, dans sa restitution de toute une époque et de toute une région méconnue des Etats-Unis. Avec son style descriptif, détaillé, envoûtant, à la fois très précis sur la forme et sur le fond, l'auteur nous raconte le quotidien d'une ville de l'Indiana durant l'été, dans les années 70, alors que les américains continuent de compter leurs morts au Vietnam. Il y a aussi de très belles descriptions de la faune et de la flore, et non, L'Indiana, ce ne sont pas uniquement d'immenses champs de maïs à perte de vue. Lee Martin décrit son Midwest avec une grande fierté mais aussi avec une belle sensibilité. Au final, un mélange réussi de roman noir et de suspense psychologique que je vous recommande vivement. 

Lee Martin, Cet été-là, 10/18, 360 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau, sorti en 2005 (Etats-Unis) 2017 (France)

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