vendredi 14 juin 2019

Un sac, de Solène Bakowski


Un sac appartient à ces romans noirs qui privilégient les atmosphères désenchantées et la dureté des rapports humains et qui, ce faisant, se distinguent des purs romans criminels. Il n'y a donc pas d'enquête policière dans ce roman, qui n'est pas non plus un thriller au sens strict du terme. Les personnages ne sont ni des flics ni des détectives privés. Un sac, c'est avant tout la rencontre de deux individus issus de milieux sociaux totalement différents. 

Tout d'abord, il y a Anna-Marie Caravelle, qui raconte cette histoire, son histoire. Un destin cruel, meurtrier, et surtout tragique. Une odyssée déviante dans un Paris crépusculaire. Anna-Marie n'est pas née sous une bonne étoile, c'est le moins que l'on puisse dire: un père qui se suicide six mois avant sa naissance, une mère déboussolée qui sombre dans la folie et qui accouche d'Anna-Marie dans l'appartement de la voisine, une vieille dame dépressive qui ne veut pas finir ses vieux jours seule. Et qui va faire interner la mère pour pouvoir élever Anna-Marie dans la clandestinité la plus totale. La petite fille ne sort jamais du petit appartement, en quelque sorte séquestrée, sans aucun contact avec l'extérieur. Anna-Marie finira par s'échapper dans de terribles circonstances pour vivre sa vie, et rencontrer Camille. 

Camille un sans domicile fixe qui a quitté une famille très riche pour vivre aussi sa vie d'artiste homosexuel. Anna-Marie tombe amoureuse de Camille, qui va tomber amoureux du beau Max. Un triangle amoureux malsain s'installe. Une histoire destructrice qui se terminera mal, très mal. Bref, vous l'aurez compris, on est dans le domaine du noir, du très noir. Solène Bakowski fait partie de ces écrivain(e)s qui nous obligent à regarder en face l'intolérable, qui nous dévoilent une réalité très dure, impitoyable. L'histoire d'Anna-Marie se double d'un portrait saisissant et surtout contrasté de la capitale française. Paris, ville lumière chargée d'histoire, remplie de monuments célèbres et magnifiques. Mais aussi Paris, ville polluée, déshumanisée, et inégalitaire, indifférente. 

Il y a certes une intrigue dans ce roman noir comme le cauchemar, des rebondissements, un fil conducteur. Mais ce que je retiendrai avant tout c'est son atmosphère. Les mots de Solène Bakowski, qui dégagent une certaine puissance, la finesse psychologique de l'auteure qui éprouve finalement une grande empathie pour Anna-Marie. La jeune femme a certes commis des actes atroces, dignes de psychopathes de la pire espèce. Mais Anna-Marie n'est pas un monstre déshumanisé, elle a grandi dans un environnement totalement déviant, elle a toujours vécu des situations anormales. Ses réponses aux problèmes rencontrés ne pouvaient finalement qu'être qu'anormales aux yeux d'une société dont elle ne fait pas partie. Mais la jeune femme a envie de vivre, d'aimer et d'être aimée, elle éprouve des sentiments purs, à son niveau. Solène Bakowski fait ressortir tout cela par la qualité de son écriture. Un style précis à la fois sur la forme et sur le fond. Une écriture soignée, puissante, indéniablement la marque d'une écrivaine de talent, qui réussit le tour de force de raconter une histoire très noire avec une certaine sensibilité, et sans perdre en crédibilité. 

Solène Bakowski, Un sac, Bragelonne, 268 pages, sorti en 2017.

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