mercredi 27 juin 2018

La Maison, de Nicolas Jaillet


Je suis encore sous le choc, même encore une semaine après avoir refermé la dernière page de ce livre fort, tant j'ai été bouleversé par l'histoire de cette famille. Nicolas Jaillet aborde à travers ce récit le thème de la violence conjugale avec une sobriété et une justesse remarquables. La Maison, on y entre, on plonge dans une atmosphère terriblement réaliste, et on n'en sort pas indemnes. Il y a le père, Jean, un homme déjà aigri avant l'heure, qui noie sa frustation et son mal de vivre dans l'alcool, et qui n'est même pas capable de contenir sa violence le jour de son mariage avec Martine, sa femme. Comme un signe funeste, avant-coureur de ce qui attend la jeune femme. Martine femme battue et humiliée, mais qui n'a pas perdu l'espoir, et qui prépare avec minutie sa fuite. Et enfin le fils, qui raconte l'histoire, avec ses mots, et sa propre perception de la réalité. 

Cela nous donne un récit poignant, et qui sonne juste. L'auteur ne tombe jamais dans la facilité ou la surenchère. Car La Maison n'est pas un thriller violent, la violence quotidienne que subissent Martine et son fils est suggérée, mais je trouve qu'on la ressent d'autant plus. Il y a quand même une scène qui illustre de manière frappante ce que Martine a vécu pendant des années: un soir, la jeune femme rentre tard de son travail d'infirmière. Jean insinue que Martine a passé la soirée dans les bras d'un autre et, pour la punir, la force à manger son diner tout en lui maintenant la tête avec une main qui tient fermement les cheveux. Une scène racontée avec une sobriété hors du commun, mais d'une violence inouïe. Cette scène (ce n'est bien évidemment pas un hasard) va se reproduire des années plus tard avec le fils, en âge de se défendre, qui va inverser la tendance, si j'ose dire, en humiliant son père. Je n'en dis pas plus, je vous laisse le soin de dévorer d'une traite ce récit pur et dur, fort, intense. Et d'une remarquable intelligence.

Il y a également deux autres histoires très courtes dans ce livre. La deuxième histoire relate l'échec d'un mariage, au dénouement final sanguignolent. Un court récit fulgurant et noir comme le cauchemar. Le troisième et dernier récit est une belle rencontre, dans un train, entre un représentant en vin et une sexagénaire pleine de vie. L'auteur finit sur une note positive, avec cette courte nouvelle pétrie d'humanité qui respire l'amour et le bonheur. Au final, La Maison est pour moi l'un des meilleurs romans noirs de ces dernières années. Un livre inoubliable, très bien écrit, d'une rare justesse. Je le recommande sans réserve.

Nicolas Jaillet, La Maison, Bragelonne/Milady, 158 pages, sorti en 2016.

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