dimanche 5 mai 2019

Dernier refrain à Ispahan, de Naïri Nahapétian


D'un côté il y a Mona Shirazi, qui exerce le métier de sage-femme dans le dispensaire d'une banlieue pauvre d'Ispahan, troisième ville la plus peuplée d'Iran. De l'autre, il y a Narek Djamshid, un journaliste français de retour dans son pays d'origine, L'Iran, pour prendre le pouls de la situation au lendemain de la réélection de l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad  au poste de président de la République islamique. En 2009, le président sortant a été reconduit dans ses fonctions suite à une fraude électorale massive. Un scandale de plus provoquant la colère de millions d'iraniens qui sont descendus dans la rue avec des banderoles vertes Where is my vote. Où est passé mon vote en faveur du candidat adverse Mir-Hossein Moussavi qui en réalité aurait dû remporter ces élections, avec la promesse de mettre fin au régime totalitaire de Mahmoud Ahmadinejad. Mona, avec sa vision de l'Iran de l'intérieur, et Narek avec son regard extérieur, se lancent pour des raisons différentes sur les traces d'un tueur qui sème la terreur à Ispahan, en s'en prenant à des femmes qui ne respectent pas l'islam. 

Dans Dernier refrain à Ispahan, il s'agit moins pour Naïri Nahapétian de trouver le tueur que de se livrer à un examen sans concession du régime de Mahmoud Ahmadinejad, sa corruption, ses inégalités sociales, ses interdits, ses violences et sa répression. Mais pas seulement. L'auteure dresse également un portrait fascinant de la ville d'Ispahan, de son architecture, de sa richessse artistique, de sa cuisine, et des étendues désertiques qui l'entourent. Mais il est vrai que ce court roman noir social est un requisitoire cinglant contre les dirigeants iraniens qui répriment dans la violence tout mouvement de contestation, font "disparaître" des opposants, et continuent chaque jour de restreindre la liberté des femmes. En outre, l'auteur met en scène des habitants d'Ispahan qui se réunissent clandestinement pour boire de l'alcool, consommer des drogues dures, et avoir des rapports sans protection. Des gens déboussolés qui font tout pour oublier la terreur permanente. Et ce malgré les risques encourus. 

Dernier refrain à Ispahan possède tous les atouts nécessaires pour transporter aussi bien l'amateur de whodunit bien ficelé que de roman noir social et géopolitique. Ce livre est une véritable mécanique policière de précision parfaitement huilée, dans la plus pure tradition du whodunit. Et c'est également un roman noir saisissant qui raconte de l'intérieur l'Iran réel, dans toute sa complexité. Sur la forme, c'est bien écrit, dans un style limpide, alerte, précis sur la forme et sur le fond. Avec des dialogues enlevés au service d'un récit bien construit. Très utile en fin de roman: un glossaire sur les termes en persan et en arménien, ainsi que les personnalités citées, suivi d'une chronologie de l'Iran.  J'ai beaucoup aimé. 

Naïri Nahapétian, Dernier refrain à Ispahan, Points224 pages, sorti en 2012.

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