jeudi 6 avril 2017

Canicule, de Jane Harper


"Il tourna de nouveau la tête en direction de la rivière, avec le même sentiment de malaise qui l'oppressait. Pourquoi? La réponse parvint lentement jusqu'à son cerveau, pour exploser dans toute son évidence. À l'endroit même où il se trouvait, il aurait dû entendre le flot tumultueux de la Kiewarra. Le bruit caractéristique de la rivière frayant son chemin à travers le pays. Il ferma les yeux et tendit l'oreille, s'efforçant de le capter, souhaitant de tout son être qu'il se matérialise. Mais il n'y eut rien d'autre qu'un silence sinistre."

Et au milieu coule une rivière remplie de poissons... sauf que la sécheresse est passée par là. Le lit de la rivière est totalement asséché, plus rien ne pousse aux alentours. Une vision cauchemardesque ! La canicule sévit depuis des mois dans le bush australien. Kiewarra, un bled paumé en plein coeur de ce désert implacable, subit de plein fouet le réchauffement climatique. Toute une économie qui s'effondre, la plupart des exploitations agricoles qui mettent la clé sous la porte. Les autres qui survivent tant bien que mal, attendant désespérément des subventions qui ne viennent pas. Notre diagonale du vide version bush australien. 

Alors forcément, les esprits s'échauffent, les actes de violence se multiplient. Est-ce l'imminence d'une faillite annoncée qui a poussé le fermier Luke Hadler à massacrer sa femme et son fils, avant de se donner la mort ? Son ami d'enfance Aaron Falk, devenu policier à Melbourne, se pose la question alors qu'il revient au bled pour assister aux funérailles. Le père de Luke Hadler lui demande d'enquêter sur ce masssacre. Et les difficultés vont commencer pour le pauvre Aaron, qui n'est plus du tout le bienvenu dans sa ville natale. Pourquoi ? Car des années auparavant, Aaron a dû quitter précipitamment la ville, suspecté d'avoir tué son amie Ellie Deacon. Et nous voilà embarqués dans une enquête étouffante, pleine de suspense et de rebondissements.

J'ai bien aimé ce polar australien qui entremêle passé et présent, et dont l'intrigue, bien ficelée, ne dévoile ses secrets que dans les toutes dernière pages du roman. La couverture du livre indique que c'est un thriller. Pour moi, c'est plus un whodunit, un roman policier qu'un thriller au sens strict du terme. Canicule est un polar charpenté, un huis clos tendu qui sent la poudre et l'atmosphère viciée d'une petite bourgade australienne isolée. Jane Harper nous dévoile les coulisses mortifères d'une ville au bord de l'implosion. L'auteure retranscrit de manière saisissante l'impact sur les relations humaines que produit le fait de vivre en vase clos. Difficile de garder un secret quand toute le monde se connaît. Même si des secrets, il y en a, forcément. et certaines personnes ont plutôt intérêt à ce qu'ils ne soient pas dévoilés. Je n'en dis pas plus, je vous laisse le soin de découvrir ce très très bon polar. Sur la forme, le récit criminel est très bien écrit, et remarquablement construit. Jane Harper prend un malin plaisir à brouiller les pistes, à multiplier les suspects potentiels, jusqu'au dénouement final. Gros coup de coeur pour moi, et une auteure qu'il faudra suivre, c'est certain. 

Jane Harper, Canicule, Kero, 400 pages, traduit de l'anglais (Australie) par Renaud Bombard, sorti en 2016 (Australie) 2017 (France) 

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