vendredi 22 décembre 2017

Dernier meurtre avant la fin du monde, de Ben H. Winters


"- Bon. Disons que je vais assassiner quelqu'un.
Un silence. Dotseth attend, amusé, avec une patience exagérée.
- D'accord !
- Et que je vis à une époque et dans une ville où on se suicide à tout bout de champ. Dans tous les coins. La ville des pendus.
- OK.
- Est-ce que mon réflexe naturel ne serait pas de tuer ma victime, puis de maquiller le meurtre en suicide ?
- Peut-être.
- Peut-être, hein ?
- Mouais. Peut-être. Mais ça, là ? (Il indique gaiement du pouce le corps avachi.) Ça, c'est un suicide.
Il cligne de l'oeil, pousse la porte des toilettes, et me laisse en tête à tête avec Peter Zell."

La ville des pendus c'est Concord, dans le New Hamsphire, nord-est des Etats-Unis. En effet, dans cette bourgade habituellement très très tranquille, les gens ne se suicident pas, ou très peu. Les gens ne sont pas assassinés, ou très peu. Bref, un taux de criminalité qui frise le 0 %. Sauf que dans six mois, un gigantesque astéroïde va percuter de plein fouet la terre. C'est la fin du monde. Et une excellente explication pour cette épidémie de suicides. Et à Concord, visiblement on choisit la pendaison comme méthode pour mettre fin à ses jours. Alors forcément, quand Peter Zell, un agent d'assurance à première vue sans histoire, est retrouvu pendu dans les toilettes d'un célèbre fast food, tout le monde croit à un suicide, et surtout tout le monde s'en fout de ce suicide. Tout le monde sauf Henry Palace, récemment promu inspecteur à la brigade criminelle de Concord. Un homme tenace, obstiné, perspicace, un enquêteur hors pair persuadé que Peter Zell a bel et bien été assassiné. Comment, pourquoi et surtout par qui? L'inspecteur va mener son enquête jusqu'au bout, malgré un contexte très perturbé. Et c'est un euphémisme !

Premier volet d'une trilogie vraiment atypique, Dernier meurtre avant la fin du monde possède tous les atouts nécessaires pour transporter aussi bien l'amateur de whodunit classique que de science-fiction. Et c'est vraiment la combinaison de ces deux aspects qui apporte un côté décalé à ce récit très prenant. En effet, d'un côté on baigne dans une atmosphère totalement pré-apocalyptique: Les entreprises ferment les unes après les autres, le réseau de téléphonie se dégrade, la nourriture se fait de plus en plus rare, le marché noir se développe, les pillages augmentent, et les gens, s'ils ne se suicident pas, se réfugient dans la drogue, l'alcool et le sexe dit déviant. Ou bien, ils abandonnent tout pour aller réaliser leurs rêves avant qu'il ne soit trop tard. Les autorités tentent bien de maintenir un semblant d'ordre en durcissant les lois en matière de sécurité, mais le chaos social est difficilement maîtrisable. Et de l'autre côté, on a un policier qui mène son enquête comme si de rien n'était. Un Hercule Poirot qui exploite le moindre indice, qui explore toutes les pistes pour découvrir la vérité. Six mois avant de mourir ou de se retrouver à survivre dans un monde dévasté.

Au final, Dernier meurtre avant la fin du monde séduit par la personnalité de son personnage principal, qui continue à faire son travail malgré un contexte terrifiant. Un homme attachant, pétri d'humanité, embarqué dans une enquête pleine de rebondissements. Sur la forme, le style d'écriture de Ben H. Winters est posé et limpide, au service d'un récit fluide et très bien construit. Au  niveau de l'enquête, tout est subtilement et efficacement contrôlé de la part d'un auteur qui sait ménager le suspense, et brouiller les pistes. Et l'atmosphère du roman est vraiment atypique. En effet, il existe beaucoup de romans post-apocalyptiques (La Route de Cormac McCarthy, Malevil de Robert Merle etc...) mais peu de romans pré-apocalyptiques. Et je trouve que les situations et évènements imaginés par l'auteur dans ce contexte de fin du monde programmée sont franchement crédibles. Bref, je vous recommande vivement ce très bon polar, dont la fin laisse entrevoir une suite plus qu'intéressante. Que je m'en vais lire de ce pas.

Ben H. Winters, Dernier meurtre avant la fin du monde, 10/18, 335 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Valérie Le Plouhinec, sorti en 2012 (Etats-Unis) 2015 (France)

Du même auteur sur ce blog:
J-77 ; Impact

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