vendredi 11 octobre 2019

Le carnaval des hyènes, de Michaël Mention


"Botoxé, cravaté et rasé de près, j'ai lancé mon 7326e JT. Moi, Carl Belmeyer - 61 ans, Monsieur Loyal de l'info bleu-blanc-rouge. Ma demi-heure de gloire quotidienne sous vos yeux captivés. Gicquel avait sa voix, Mourousi son franc-parler, Delahousse sa mèche. À chacun son atout et le mien, c'est moi. Tout simplement."
"Tous les soirs, je refais le monde à ma manière. Vous le savez, mais il est trop tard: vous m'avez ouvert depuis longtemps votre salon, votre intimité, votre cerveau. Et maintenant, je suis votre tumeur attitrée."

Le style Michaël mention, la patte Michaël Mention, c'est ça, du punch, du dynamisme, une formidable vitalité. Une écriture moderne, percutante, qui va droit au but, à l'essentiel. 

Jamais de gras ou de temps mort dans un roman de Michaël Mention. Et Le carnaval des hyènes, mélange épicé de roman de critique sociale et de thriller politique implacable ne déroge pas à la règle, bien au contraire. L'auteur envoie du lourd dans ce roman coup de poing. Assurément remonté contre les puissants qui dirigent le système politico-médiatique, il ne mégote franchement pas sur la charge qu'il leur assène, et réussit l'exercice de ne pas tomber dans une vision trop simpliste ou manichéenne des choses. 

L'auteur dresse le portrait sans concession d'un monde de l'information totalement perverti par la quête de rentabilité à court terme. C'est le sensationnalisme qui prime sur tout, au détriment, très souvent, de la qualité de l'information qui est communiquée au peuple. Il faut faire du chiffre, de l'audimat, et tous les coups sont permis pour que l'objectif soit atteint. La fin justifie les moyens et Carl Belmeyer, personnage central de ce roman frontal, l'a bien compris.

Enfin, quand je dis tous les coups sont permis, il y a quand même encore une limite à ne pas franchir, à ne pas dépasser: "Ce matin, Villa Party a marqué à jamais l'histoire de la télé. En effet, à 11 h 21, dans la quotidienne, Kévin a giflé Barbara pour l'avoir trompé avec Steve. De prime abord, rien d'insolite. Seulement voilà, aujourd'hui, c'est différent: Barbara a basculé en arrière et s'est encastré la tête dans une table en verre. Morte sur le coup. En direct, devant quatre millions de témoins." Un scandale sans précédent éclate, la chaîne de Carl est en grand danger. Et doit donc trouver une solution rapide et radicale pour redorer son image. Carl va devoir retourner sur le terrain pour remplir une mission périlleuse: sauver son employeur. Direction l'Afrique, et la guerre civile au Libéria. Et le début des gros ennuis pour Carl, qui se retrouve embarqué dans une galère sans fin, sur fond de terrorisme international. 

Plus qu'un livre, Le Carnaval des hyènes est une expérience éprouvante, palpitante. Ce roman teigneux, noir comme le cauchemar, ne se lit pas, non il se dévore d'une traite. C'est une bombe textuelle survitaminée, un shoot d'adrénaline qui vous laissera complètement groggy, étourdi, assommé par les uppercuts de mots que l'auteur ne cesse d'asséner, pour notre plus grand bonheur. Il y a bien sûr de l'action, du suspense, des rebondissements qui se doublent d'un portrait au vitriol du monde d'aujourd'hui. Divertissant et intelligent, que demander de plus ? 

Michaël Mention, Le carnaval des hyènes, Ombres Noires, 221 pages, sorti en 2015.

Du même auteur sur ce blog:
Sale temps pour le pays ; ... Et justice pour tous ; Manhattan Chaos ; Bienvenue à Cotton's Warwick ; Power ; Les Gentils

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