vendredi 16 septembre 2016

Condor, de Caryl Férey


La parution d'un nouveau Caryl Férey est toujours un événement pour moi, tant je suis fan de cet auteur. Fan de ses histoires, de son style d'écriture puissant, sauvage, spectaculaire. Après l'Argentine avec le monumental Mapuche, Caryl Férey s'attaque au Chili, un pays toujours hanté par les démons de la dictature de Pinochet. Un passé terrifiant que l'auteur retranscrit parfaitement dans son roman, se basant sur un fond documentaire solide. Avec Condor, l'écrivain démontre encore une fois un immense talent pour échafauder des scénarios crédibles, diablement efficaces, et pour camper des personnages forts. Et quelle maîtrise dans la conduite de son récit tendu, nerveux, agrémenté de scènes chocs, jusqu'au dénouement final, "corral" et tragique.

Tout d'abord, Condor est un palpitant thriller historico-politique. L'auteur dresse un constat sans concession sur le Chili. Au programme: chômage de masse, bidonvilles, inégalités toujours plus grandes entre les pauvres et les riches, pillage sans vergogne des ressources naturelles et déforestation. Caryl Férey dévoile tout un pan peu glorieux de l'histoire du Chili, et de l'Amérique en général. Attention, âmes sensibles s'abstenir, l'auteur nous décrit l'intolérable, notamment les scènes de torture qui étaient monnaie courante durant la dictature de Pinochet. Horrible, terrifiant!

Mais Condor, c'est aussi un suspense sanglant, plein de rebondissements, une bombe textuelle survitaminée, menée à un train d'enfer. C'est une histoire d'amour et de haine: l'amour entre Esteban et Gabriela, deux écorchés vifs qui doivent fuir la capitale Santiago, embarqués dans une course-poursuite hallucinante et hallucinée à travers des paysages lunaires. La haine de Stefano, ancien militant d'Allende, le président socialiste chilien assassiné par Pinochet avec l'aide la CIA américaine. Stefano las des injustices et des pourritures qui peuplent son pays. Et en matière de pourritures, on est servis. C'est une constante chez l'auteur, les méchants sont vraiment très très méchants dans ses romans, vous avez vraiment envie de les détester. 

Au final, Condor est un véritable chant funèbre sur un monde de démence et de sang. Un thriller spectaculaire, mystique, et surtout éprouvant. Mais à sujet dur, roman dur. C'est un cri du coeur déchirant poussé par l'auteur contre la barbarie et l'injustice. C'est un hommage vibrant à la culture indienne mapuche chère à Caryl Férey. Ce que je retiendrai, c'est que, malgré toute cette noirceur qui les entoure, les personnages principaux de l'auteur ont encore envie d'aimer, et de croire en un monde meilleur. 

Caryl Férey, Condor, Gallimard, 416 pages, sorti en 2016.

Du même auteur sur ce blog:
Haka ; Mapuche

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