samedi 29 novembre 2014

Le vieux coup de la sauterelle, de Kinky Friedman


Le vieux coup de la sauterelle est le quatrième roman de Kinky Friedman, chanteur-de-country-viré-au-détective-privé-amateur, c'est vintage à mort. C'est un whodunit palpitant dans la plus pure tradition du genre: au menu et dans le désordre, des cadavres qui s'accumulent, des gens qui disparaissent et qui réapparaissent, des skinheads, des nazis, la jungle très très dangereuse de Bornéo, et un Kinky au mieux de sa forme qui résout l'énigme tout en dispensant sa philosophie alambiquée de la vie. Oh oui, c'est le moins que l'on puisse dire, le Kinkster est un sacré personnage. Tout est ici subtilement et efficacement contrôlé, le Kinkster distille les indices et reconstitue un puzzle pour le moins surprenant. 


Une enquête pleine de rebondissements, mais surtout une symbiose très réussie entre l'humour irrévérencieux et le lyrisme poétique touchant d'humanité de l'auteur; Cette dernière facette n'est d'ailleurs pas présente dans les trois premiers romans et ajoute une touche de sensibilité bienvenue dans l'univers déjà bien singulier de l'auteur. Un roman totalement abouti. Un vrai whodunit comme on les aime, avec en plus le côté décalé de son personnage principal. 

Enfin, mention spéciale au traducteur qui a su parfaitement retranscrire le style imagé et les expressions de l'auteur. Un univers à part plein d'humour et pétri d'humanité. 

Kinky Friedman, Le vieux coup de la sauterelle, Rivages, 320 pages, Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Frank Reichert, sorti en 1989 (Etats-Unis) 1994 (France)

Du même auteur sur ce blog:
Elvis, Jésus et Coca-Cola ; Meurtres au Lone Star Café

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lundi 17 novembre 2014

Vérité, de Peter Temple


Après le L.A. Confidential de James Ellroy, voici sa version australienne, plus précisément celle de Melbourne, deuxième agglomération australienne après Sydney, presque cinq millions d'habitants. Si vous allez surfer sur Wikipedia, vous pourrez y lire que le journal The Economist considère Melbourne comme étant la ville la plus agréable à vivre au monde. Et bien, visiblement, ce n'est pas l'avis du commissaire Villani, chef de la brigade des Homicides; A Melbourne, il fait très très chaud l'été, l'air fortement pollué y est irrespirable, de violents incendies ravagent les collines autour de la ville, des adolescents défoncés errent dans les rues et agressent les citoyens, et les meurtres se multiplient. Bref on est bien loin du paradis australien, avec plages paradisiaques, beaux surfeurs et belles blondes en bikini !

Plombé par des problèmes familiaux insolubles et soumis à des pressions politiques de plus en plus fortes à l'approche d'élections cruciales pour la ville, le pauvre commissaire Villani se retrouve à devoir résoudre deux enquêtes complètement différentes: d'un côté, le meurtre d'une jeune femme retrouvée dans un appartement de luxe, et de l'autre l’exécution de trois hommes atrocement torturés et retrouvés dans un hangar sordide d'une banlieue pauvre de la ville. Et oui, le meurtre ne fait pas dans la discrimination sociale, on tue aussi bien chez les riches que chez les pauvres !

Vérité séduit par la complexité de son personnage central totalement désabusé mais non dénué d'humour, et par son intrigue dense, touffue, taillée au couteau; Une intrigue haletante, très noire, qui prend le lecteur à la gorge et dévoile les coulisses peu reluisantes d'une ville gangrenée par la drogue et les magouilles politiques. Et un dénouement à suspense qui vaut le détour, signé Peter Temple, actuellement le plus grand auteur australien de romans noirs.

Peter Temple, Vérité, Rivages, 448 pages, traduit de l'anglais (Australie) par Simon Baril, sorti en 2009 (Australie) 2012 (France)

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vendredi 14 novembre 2014

The Blonde, de Duane Swierczynski


"J'ai mis du poison dans votre verre", c'est la première phrase du livre, qui annonce d'entrée de jeu la couleur. Début de soirée au bar de l'aéroport international de Philadelphie, Jack Eisley discute avec une jolie blonde qui lui avoue donc avoir mis du poison dans son verre; Une heure plus tard, conformément aux promesses de la blonde, il commence à se sentir mal. Et une très très longue nuit l'attend, inoubliable. En effet, le pauvre Jack va être entraîné dans un tourbillon d'aventures drolissimes et complètement déjantées, jusqu'à l'aube.

Aux côtés des classiques du genre Un chien dans la soupe ou Mort à l'arrivée, on peut désormais y ranger bien au chaud ce polar échevelé, véritable petit bijou d'humour noir. 

Une folle nuit délirante à travers Philadelphie, des personnages plus dingues les uns que les autres, des chapitres courts, une écriture pleine de vitalité, une formidable originalité. Bref, tous les ingrédients qui composent un grand polar sont réunis. The Blonde est clairement un polar culte !

Au final, une bombe textuelle survitaminée, un livre à grand spectacle, mené avec une dextérité hors du commun. Bref un grand moment de lecture, un pulp à dévorer d'une traite !

Duane Swierczynski, The Blonde, Rivages, 304 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Sophie Aslanides, sorti en 2006 (Etats-Unis) 2010 (France)

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Prélude à un cri, Jim Nisbet 

mercredi 12 novembre 2014

Kind of Blue, de Miles Corwin


Beaucoup d'auteurs américains situent l'action de leurs romans dans une seule ville bien identifiée: Boston pour Dennis Lehane, Washington pour George Pelecanos, Chicago pour Eugene Izzi, et Los Angeles pour Jonathan Kellerman, Michael Connelly, James Ellroy et... maintenant Miles Corwin. Cet auteur talentueux retranscrit parfaitement les mutations urbaines et sociologiques qui s'opèrent dans le centre de la mégapole californienne, à travers une première enquête palpitante mettant en scène un personnage touchant d'humanité: Ash Levine. Le héros de Miles Corwin présente beaucoup de similitudes avec le célèbre inspecteur Bosch de Michael Connelly: un flic solitaire, tenace, obstiné, qui prend son travail très (trop) à coeur, et qui est en proie à des démons intérieurs. Clairement, si vous êtes fan de la série Bosch, vous serez fan de la série Levine.

Avec Kind of Blue, débute une nouvelle série policière très prometteuse, mélange de whodunit et de roman noir: des meurtres et des coupables à découvrir, des personnages fouillés, des dialogues percutants et de caractère, une écriture fluide et claire. Miles Corwin a su trouver le bon équilibre entre action et réflexion, et réussit un véritable coup de maître avec Kind of Blue. D'ailleurs, l'auteur est encensé par... Michael Connelly himself. Affaire à suivre !

Miles Corwin, Kind of Blue, Points, 480 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Aline Weill, sorti en 2010 (Etats-Unis) 2013 (France)

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mercredi 5 novembre 2014

Date limite, de Duane Swierczynski


Imaginons que vous êtes un journaliste raté, un loser proche de la quarantaine, obligé de retourner vivre dans le quartier pourri de votre enfance, quartier que vous aviez fui avec la plus grande dextérité possible; Un jour, vous tombez sur des pilules qui vous permettent de voyager dans le passé, et le cas échéant de modifier le cours du temps, et bien que feriez-vous ? Vous tenteriez de remettre de l'ordre dans votre lamentable destinée, vous deviendriez quelqu'un d'autre. C'est le cas de Mickey Wade, l'anti-héros sorti tout droit de l'imagination fertile de Duane Swierczynski, de retour aux affaires avec ce petit bijou d'humour noir. Avec une formidable énergie créatrice, l'auteur signe un suspense atypique, décalé, plein de rebondissements et de situations improbables. 

L'action se déroule comme d'habitude dans la ville de prédilection de l'auteur, Philadelphie. Et plus précisément dans le quartier malfamé de Frankford. La dimension sociale est d'ailleurs présente dans le roman (le livre a été écrit en 2009, au moment où les Etats-Unis étaient frappés de plein fouet par la crise économique), l'auteur s'attachant à décrire l'impact de la récession sur sa ville, et sur son personnage. 

Bref, l'auteur a mélangé avec virtuosité les genres que sont le roman noir, le pulp décalé, et le serial killer thriller, afin de nous offrir de formidables heures de lecture; Duane Swierczynski sait raconter une histoire, et captiver son lecteur. Pourvu que ça dure !

Duane Swierczynski, Date limite, Rivages, 272 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Sophie Aslanides, sorti en 2010 (Etats-Unis) 2014 (France)

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mardi 4 novembre 2014

Point mort, de Rob Reuland


Au départ, on peut penser que Point mort est un énième Legal Thriller d'un énième auteur américain qui viendrait grossir les rangs des nombreux écrivains du genre, John Grisham en tête, Michael Connelly, Phillip Margolin, Michael Nava, James Grippando, Lisa Scottoline etc.... Mais en réalité, Point mort est bien un roman noir à la beauté sombre et presque insoutenable, le premier roman très prometteur d'un jeune procureur de Brooklyn, qui mérite vraiment d'être lu. 

L'intrigue est bien ficelée: le meurtre d'une jeune fille noire, un coupable tout désigné malgré la faiblesse des preuves existantes, et surtout un procureur alcoolique à la dérive, qui a perdu sa fille, un anti-héros qui va découvrir une vérité bien embarrassante. 

Une narration hors pair, des dialogues crédibles et percutants, des personnages fouillés, du suspense et une profonde sensibilité rarement vue dans le polar, tels sont les ingrédients de ce très beau roman. Et enfin une réflexion intéressante et pertinente sur la responsabilité individuelle, mais aussi sur la culpabilité et la rédemption. Incontestablement une réussite ! Dommage que les autres romans de l'auteur n'aient pas été traduits.

Rob Reuland, Point mort, Rivages, 336 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Dominique Mainard, sorti en 2001 (Etats-Unis) 2004 (France)

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L'enfant invisible, Cornelia Read

Pur, d'Antoine Chainas


Antoine Chainas écrit peu mais écrit bien, de mieux en mieux même. Sur la forme, il s'agit d'un récit plutôt court, très fluide, à la construction impeccable; On retrouve le style singulier de l'auteur, à la fois simple et sophistiqué, clinique même; Mais par rapport aux précédents romans, je trouve que c'est plus clair, un peu plus dépouillé; J'avais eu du mal avec l'écriture de Versus, le roman coup de poing qui a fait connaître l'auteur, certains passages contenaient des termes trop lourds, et parfois incompréhensibles. Je m'étais retrouvé complètement englué dans ce roman. Mais Pur est une totale réussite littéraire, un mélange de suspense, de roman noir, et de thriller politique, d'une profondeur, d'une puissance et d'une intensité exceptionnelles. 


C'est à ce jour le chef d'oeuvre de cet auteur à part dans le paysage déjà bien fourni du roman noir français.

Sur le fond, Pur est un récit à peine (malheureusement !) d'anticipation, et décrit une France désemparée, chaotique, au bord de l'implosion sociale; L'action de Pur se déroule dans une ville fictive du Sud à l'urbanisation morcelée, avec d'un côté des gens de plus en plus riches qui se barricadent dans des enclaves ultra-sécurisées (les fameuses "Gated Communities", phénomène en provenance des US et qui existe maintenant en France), et de l'autre des gens de plus en plus pauvres qui survivent dans des quartiers délabrés, insalubres, gangrenés par la misère, la violence et la délinquance. Et l'histoire imaginée par l'auteur fait froid dans le dos !

Au final, Pur est une oeuvre sombre, troublante qui place l'homme au centre du débat, car c'est là finalement que se situe le problème: la peur de l'autre, le manque de communication, la manipulation des médias par les puissants et vice-versa... On retrouve bien ces thèmes dans le récit d'Antoine Chainas, qui ne tombe jamais dans la facilité. Et je refuse de croire qu'il n'y a pas d'espoir dans son roman, car malgré la noirceur présente, ses personnages ont encore envie d'aimer, et c'est ça le plus important.

Antoine Chainas, Pur, Folio, 352 pages, sorti en 2013.

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Une histoire d'amour radioactive