jeudi 14 août 2014

Emergency 911, de Ryan David Jahn


"Il était une fois dans l'ouest" version Ryan David Jahn. Un western moderne sanglant et impitoyable, voici ce qui vous attend. Ce récit oppressant sent la poudre et l'atmosphère viciée d'une petite ville du Texas et du désert américain en général. Le style d'écriture est très visuel, cinématographique, comme si l'auteur était en réalité un cameraman filmant et décrivant en même temps chaque scène. Maintenant ainsi une tension dramatique qui ne faiblit jamais. Préparez-vous bien pour cette plongée en enfer comme si vous y étiez !

Emergency 911 raconte, à la manière d'un western remis au goût du jour, la quête rédemptrice de Ian Hunt, agent de police d'une petite ville du Texas qui reçoit un appel au secours de sa fille. 

Maggie Hunt a disparu il y a sept ans, prisonnière d'un couple de psychopathes qui vit dans cette même petite ville. Ian Hunt va découvrir la vérité et poursuivre le couple qui a pris la fuite avec sa fille, direction la Californie, avec entre les deux le Grand Nulle Part américain, magnifiquement décrit par l'auteur.

Intrigue classique et sans surprise, surenchère de gore: le livre a été critiqué de manière plutôt négative à sa sortie. Alors oui, l'intrigue est classique (pas de rebondissements dans tous les sens, à la Harlan Coben), et certains passages sont très très saignants. Mais à la question de savoir si Ryan David Jahn est parvenu à me captiver, la réponse est oui, on ne peut pas décrocher de ce road-movie poignant. Il n'y pas de longueurs, l'auteur va à l'essentiel, à l'image du décor épuré du roman, l'implacable désert texan. 

Ryan David Jahn est-il parvenu à me procurer des émotions, ce que je demande à tout bon écrivain? Oui, j'ai été bluffé par l'épaisseur des personnages, la force des dialogues, et l'intensité des scènes d'action. Et le final est époustouflant, un duel digne des grands westerns à la Sergio Leone (d'ailleurs cela se passe dans une ville déserte). Alors pour toutes ces raisons, Ryan David Jahn a produit une oeuvre qui se distingue de la masse. A lire d'urgence !

Ryan David Jahn, Emergency 911, Babel, 416 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Simon Baril, sorti en 2011 (Etats-Unis) 2013 (France)

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vendredi 8 août 2014

Le canyon des ombres, de James D. Doss


Dans la catégorie polar ethnologique, les plus connus sont Tony Hillerman, Kirk Mitchell, ou encore William Kent Krueger; Et le regretté James D. Doss, mon préféré, pour raconter des histoires teintées de mythologie indienne, avec beaucoup d’humour et d’humanité. 

Après le très réussi La rivière des âmes perdues, on a plaisir à retrouver les enquêteurs Charlie Moon, et Scott Parris, pour une nouvelle enquête pleine de suspense et de rebondissements, avec en toile de fond les paysages magnifiques du sud du Colorado. Je vous laisse le soin de découvrir cette aventure qui flirte avec le surnaturel; Un Whodunit de grande qualité, avec des meurtres et des coupables à démasquer, et de formidables heures de lecture en perspective. 

D'ailleurs, James D. Doss a trop souvent été comparé à Tony Hillerman, alors que leur univers et leur façon d'écrire sont vraiment différents. 

Magique ! Et dépaysant !

James D. Doss, Le canyon des ombres, 10/18, 390 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Danièle et Pierre Bondil, sorti en 1995 (Etats-Unis) 2000 (France) 

Je vous conseille aussi:
Les hamacs de carton, Colin Niel 
Taqawan, Eric Plamondon

jeudi 7 août 2014

La Bête et la Belle, de Thierry Jonquet


D'habitude les contes commencent comme ça:
Il était une fois, dans une forêt lointaine un merveilleux palais où habitait une bête, amoureuse d'une belle; Et dans ce palais...

H-A-L-T-E

Cela ne s'est pas passé exactement comme dans le conte; Il y a bien une bête, un palais, et une belle, mais la bête est un clochard nommé Léon, ancien paysan chassé de ses terres par des promoteurs sans scrupules. La belle est une garce opportuniste et vénale, et le palais est un appartement de banlieue miteux rempli de sacs poubelles; Des sacs poubelles censés cacher un congélateur qui contiendrait le cadavre de... la belle ! Que voulez-vous, tout fout le camp, même les contes de fées !

Bref, vous l'aurez compris, le regretté Thierry Jonquet a légèrement perverti l'histoire d'origine, pour notre plus grand bonheur. Cela donne un court récit cocasse, décalé, plein d'humour noir. L'histoire est prenante, et d'une très grande originalité. Thierry Jonquet est décédé trop tôt, et laisse une oeuvre considérable, éclectique, il a écrit aussi bien des Whodunits (Les orpailleurs), que des romans noirs (Mygale, Moloch), ou encore des récits décalés, comme La Bête et la Belle. C’était un conteur hors pair, un dialoguiste de talent, bref un grand auteur de romans noirs. 

Thierry Jonquet, La Bête et la Belle, Folio, 157 pages, sorti en 1985.

Je vous conseille aussi:
La Daronne, Hannelore Cayre

mercredi 6 août 2014

Il faut tuer Suki Flood, de Robert Leininger


Le seul roman de Robert Leininger traduit en français mais quel chef d'oeuvre ! Commandez ce livre, et lisez-le sur la plage, en sirotant un bon cocktail, vous aurez entre vos mains une véritable bombe textuelle hypervitaminée, un livre à grand spectacle, un vrai suspense en 16/9ème ! Un thriller méconnu qui mérite toute sa place dans la littérature policière de qualité. Un opéra américain avec un suspense hallucinant du début à la fin, dès les premières phrases du livre, vous sentirez que vous avez entre vos mains un polar pas comme les autres !

À la seconde où il l'a aperçue, perchée sur le capot d'une Trans-am rouge feu, en plein désert du Nouveau-Mexique, Frank Limosin a su qu'il allait au-devant des ennuis. 

Suki Flood a tout de la beauté fatale qui attire les problèmes. Prenez donc un routier sympa, poursuivi par la police, une femme fatale, poursuivie par des gangsters très très méchants, et un désert implacable et vicieux, cela donne un road-trip haletant, captivant, mené avec une impressionnante dextérité par un auteur inspiré. Un suspense qu'on ne lâche pas avant d'en avoir refermé la dernière page.

Un véritable feu d'artifice d'action, de rebondissements, des courses-poursuites qui décoiffent, des scènes chocs, un thriller totalement jouissif, sans temps mort, mené à un train d'enfer. Et un final d'anthologie pour couronner le tout. A déguster sans modération ! Et vraiment dommage que les autres romans de l'auteur n'aient pas été traduits, car Robert Leininger a un talent certain pour raconter une histoire, et tenir en haleine son lecteur. Il faut tuer Suki Flood est un polar culte, tout simplement.

Robert Leininger, Il faut tuer Suki Flood, Rivages, 400 pages, Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Stéphane Carn, sorti en 1994 (Etats-Unis) 1999 (France) 

mardi 5 août 2014

La fille de Narcisse, de Craig Holden


Craig Holden est un auteur américain de polars trop méconnu, et pourtant, il est aussi talentueux que Dennis Lehane, William Bayer ou encore Harlan Coben. Ses romans sont tous différents les uns des autres et démontrent une capacité énorme de l'auteur à se renouveler. Son dernier roman traduit en France, La fille de Narcisse, est aussi le plus court: 300 pages en format poche. Ici, pas de gras, pas de fioritures, c'est un polar captivant, qui prend à la gorge de la première à la dernière page. Un grand polar d'atmosphère totalement abouti. 

«C’était au printemps 1979, à la fin du règne des blousons de cuir, des ensembles en jean et bien sûr, du disco.» 

Ainsi commence ce roman, qui raconte l'histoire troublante de Syd Redding, et de Ted Kessler. Syd Redding est un étudiant en médecine issu de la classe ouvrière, qui travaille dans un laboratoire dirigé par le narcissique et très riche Ted Kessler. Sa femme y travaille également. Syd va en tomber amoureux. Une histoire qui finira mal, jusqu’au coup de théâtre final, vingt-cinq ans plus tard.

Erotisme, jalousie, vengeance, manipulation: les thèmes abordés sont classiques, mais quand Holden est à la baguette, ce n'est plus classique du tout. C'est du grand art. Craig Holden nous embarque dans une histoire haletante, troublante, avec un réalisme à faire froid dans le dos. 

Craig Holden, La fille de Narcisse, Rivages, 304 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Stéphane Carn et Catherine Cheval, sorti en 2005 (Etats-Unis) 2007 (France)

Du même auteur sur ce blog:

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lundi 4 août 2014

Best-seller, de Jesse Kellerman


Dans la famille Kellerman, après le père Jonathan, je demande le fils Jesse, également écrivain de polars. Après le fracassant Les visages, qui a remporté un grand succès critique et commercial, ont suivi deux autres thrillers: Jusqu’à la folie, un suspense psychologique assez classique, et Beau parleur. Ces deux opus, qui sont presque passés inaperçus, confirment pourtant tout le talent de Jesse Kellerman. Ce jeune écrivain sait raconter une histoire, et ne manque pas d'imagination. Best-seller en est la preuve. Avec ce nouveau roman, on peut même dire que Jesse Kellerman a opéré un sacré virage, car Best-seller n'est pas du tout un thriller conventionnel. Alors est-ce une folle parenthèse, ou l’auteur s’est-il découvert un intérêt pour le polar décalé ? En tout cas, l’essai est réussi, c’est même un coup de maître. 

Best-seller est un pastiche de roman d’espionnage totalement bluffant; A certains moments, on a l’impression de lire une version destroy de Tintin et l’affaire Tournesol, c’est vous dire ! L’auteur s’est complètement lâché, et a laissé libre cours à son imagination débordante, pour notre plus grand bonheur.

Le célèbre auteur de best-sellers William de Nerval a disparu en mer, son meilleur ami Arthur Pfefferkorn, qui lui pour le coup est un écrivain raté, est invité aux funérailles; Puis dans l’ordre, il couche avec la veuve éplorée, et vole le dernier livre jamais publié de son ami; Cet honteux plagiat va le rendre riche dans un premier temps, mais très vite les choses vont se gâter, et prendre une tournure très très inattendue; N’est pas auteur de best-seller qui veut !! Un polar décalé, comique, déjanté, mais aussi une réflexion sur le métier d’écrivain.

Jesse Kellerman, Best-seller, Le Masque, 408 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Julie Sibony, sorti en 2012 (Etats-Unis) 2013 (France)

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Anacostia river blues, de George Pelecanos


Anacostia river blues est un bon vieux polar d'atmosphère des années 90 comme je les aime: un détective privé à la dérive qui enquête sur le meurtre d'un jeune noir issu des quartiers défavorisés de Washington, la capitale des Etats-Unis, LA ville de George Pelecanos. Nicholas J. Stefanos, détective privé d'origine grecque, échoue au milieu de la nuit dans un parc de Washington qui longe l'Anacostia River. Etendu par terre, ivre mort, il entend tout près de là deux hommes en train de tuer quelqu'un. Le lendemain matin, il découvre au bord du fleuve le cadavre d'un jeune Noir de dix-sept ans, Calvin Jeter. 

Bien décidé à découvrir la vérité, Nick va plonger dans un univers sordide, et chercher une rédemption qu'il ne trouvera pas. 

Avec son sens du dialogue, son acuité, sa finesse psychologique, George Pelecanos s'impose comme un grand auteur de romans noirs, et signe un polar très noir, sec et nerveux. Los Angeles a James Ellroy et Michael Connelly, Boston a Dennis Lehane, New York a Lawrence Block et Thomas Kelly, et enfin Washington a George Pelecanos, qui n'a pas d'équivalent pour décrire les bas-fonds et la pègre de la capitale américaine.

George Pelecanos, Anacostia river blues, Pocket, 291 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean Esch, sorti en 1993 (Etats-Unis) 1999 (France)

vendredi 1 août 2014

La mémoire du bourreau, de Maud Tabachnik


"La barbarie est le propre de l'homme; Comment faire confiance à une espèce qui a produit les nazis et les serial killers ?" La percutante Maud Tabachnik n'y va pas par quatre chemins pour exprimer ses opinions, et ne se fait plus d'illusions sur ce que les hommes sont capables de s'infliger entre eux. Ses romans sont donc logiquement noirs, durs, implacables, sans concession; Oui Maud Tabachnik ne fait pas dans la dentelle, âmes sensibles s'abstenir. Son style est acéré, tranchant comme une lame de rasoir !

La mémoire du bourreau est un roman noir historique racontant l'histoire d'Anton Strübel, ancien nazi réfugié en Syrie qui entreprend d'enregistrer ses souvenirs à l'aide de son fils ainé. 


Ce sont les mémoires d'un tortionnaire ignoble qui n'éprouve aucun remord et qui n'hésiterait pas à recommencer si on le lui redemandait. Mais tout finit par se payer, et l'addition va être salée pour le vieil homme !

Il est impossible de poser ce livre avant la toute dernière page; Certains passages, notamment sur les camps d'extermination, sont à la limite du supportable. Un roman éprouvant, pour ne pas oublier, tout simplement. Après, pour ce qui est de tirer les leçons qui s'imposent... à vous de juger !

Maud Tabachnik, La mémoire du bourreau, J'ai lu, 222 pages, sorti en 2001.