mercredi 29 octobre 2014

Dans le ventre des mères, de Marin Ledun


La recherche génétique, le clonage, le transhumanisme ou l'homme augmenté, l'évolution de l'espèce humaine, ces thèmes vous sont-ils familiers ? Que la réponse soit oui ou non, ces sujets sont essentiels et d'actualité. L'humaniste Marin Ledun, auteur du monumental roman noir La guerre des vanités, nous amène à réfléchir sur ces questions cruciales au travers d'un thriller politique palpitant. Je vous rassure tout de suite: pas de discours scientifique compliqué et interminable, mais pas de vulgarisation du propos non plus, notamment par rapport aux manipulations génétiques sur l'espèce humaine et l'exploitation de ces expériences à des fins commerciales. Marin Ledun a imaginé le pire scénario possible, mais malheureusement crédible, et livre un roman effrayant, mélange explosif de thriller politique et de roman noir. 

On y retrouve bien sûr les codes du genre avec du suspense, de l'action, des rebondissements, et un flic solitaire, torturé, mais tenace et au service de la vérité; Ce type de personnage est d'ailleurs une constante chez Marin Ledun, puisque le commandant Auger rappelle un certain lieutenant Korvine dans La guerre des vanités. 

Bref, un roman engagé qui a le mérite de poser le débat sur l'encadrement de la recherche sur le vivant et qui soulève des questions éthiques et morales: quel est l'avenir des hommes et des femmes tels que nous ? Qui va prendre en main cet avenir ? Et pour quels résultats ? 

Marin Ledun, Dans le ventre des mères, J'ai lu, 479 pages, sorti en 2012.

Du même auteur sur ce blog:
L'homme qui a vu l'homme ; La guerre des vanités ; En douce

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lundi 27 octobre 2014

Brouillard sur Mannheim, de Bernhard Schlink et Walter Popp


Gerhard Selb, détective privé et ancien juriste nazi, est engagé par Ferdinand Korten, son ami de lycée et surtout le big boss de la Société rhénane de chimie, grosse entreprise apparemment victime d'un piratage informatique sans précédent; Selb, personnage teigneux et obstiné, découvre rapidement qu'il joue l'idiot de service dans un complot parfaitement huilé. Le monde de l'entreprise est impitoyable que voulez-vous. 

Ecrit plus de vingt-cinq ans en arrière, ce polar politique dévoile les coulisses peu reluisantes d'une grosse compagnie, et se veut une réflexion sur la responsabilisation humaine et sur l'opacité du processus décisionnel dans le monde de l'entreprise. Des questions qui sont encore très actuelles !!

Dans ce polar très réussi, dont l'action se déroule au coeur même de l'industrie lourde allemande, on ressent également l'atmosphère d'une Allemagne encore marquée par la guerre et le nazisme, et qui essaye tant bien que mal de se reconstruire. Brouillard sur Mannheim séduit par son ambiance très noire et par la qualité d'écriture des deux auteurs, rendant le récit fluide et agréable à lire; Et le final est vraiment haletant, d'un réalisme terrifiant.

Bernhard Schlink et Walter Popp, Brouillard sur Mannheim, Folio, 352 pages, traduit de l'allemand par Olivier Mannoni, sorti en 1987 (Allemagne) 1997 (France)

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vendredi 24 octobre 2014

Galveston, de Nic Pizzolatto


J'ai lu les vingt dernières pages de ce magnifique roman noir avec les larmes aux yeux, complètement bouleversé par les mots de cet auteur surdoué, et par cette histoire franchement triste mais pleine d'humanité. L'action de ce premier roman se déroule dans la moiteur et l'atmosphère lourde de la Louisiane et du Texas Est, le Deep South américain magnifiquement retranscrit par l'auteur. Galveston raconte l'histoire d'un malfrat, un vrai looser qui apprend qu'il va mourrir d'un cancer du poumon; Piégé par son patron, qui au passage lui a déjà piqué sa petite amie, il est contraint de fuir la Nouvelle-Orléans en compagnie d'une jeune prostituée. 

Ayant embarqué la petite soeur de celle-ci, ils rallient Galveston, petite station balnéaire du Texas, et logent dans un motel peuplé de personnages également oubliés du rêve américain.

Il y a du Dennis Lehane dans la justesse des dialogues et la structure totalement maîtrisée du récit, il y a du Larry Brown dans la profondeur et l'humanité des personnages, et il y a du William Faulkner dans l'écriture à la fois poétique et violente de Nic Pizzolatto. 

Galveston est le portrait magnifique et déchirant d'un anti-héros touchant d'humanité, en quête de rédemption. Et en parallèle, l'auteur n'oublie pas de nous captiver, en maintenant le suspense et la tension dramatique, jusqu'au coup de théatre final digne des plus grands auteurs du genre. Un premier roman, très noir, très dur, qui porte la marque d'un auteur de très grand talent, doté d'une maturité d'écriture hors du commun. Et chapeau au traducteur !

Nic Pizzolatto, Galveston, 10/18, 307 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Pierre Furlan, sorti en Etats-Unis (2010) France (2011)

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mercredi 22 octobre 2014

L'indice de la peur, de Robert Harris


Le 6 mai 2010, l'indice Dow Jones Industrial Average a perdu environ 998,52 points avant de regagner 600 points, entre 14 h 42 et 14 h 52 au New York Stock Exchange. Une baisse de 9,2 % en l'espace de 10 minutes était sans précédent dans l'histoire. Un mini krach boursier inquiétant, mettant encore plus en lumière les dérives des marchés financiers. Et si une intelligence artificielle autonome inventée par un savant fou américain expatrié en Suisse était à l'origine de ce célèbre Flash Crash ? C'est ce qu'a imaginé Robert Harris, serial créateur de bestsellers. Le génial auteur anglais brosse un thriller implacable, paranoïaque, une plongée terrifiante dans les arcanes des marchés financiers, et plus précisément des fonds spéculatifs. Un monde dans lequel des individus brassent chaque jour des milliards, oui des milliards de dollars, en se comportant comme s'ils étaient en train de virer cent euro d'un compte courant à un livret d'épargne. Un monde au sein duquel ces même individus se reposent toujours plus sur la machine, des ordinateurs hyper performants dotés d'algorithmes capables d'effectuer de façon automatisée des opérations très sophistiquées dans des temps extrêmement courts. Avec les risques que cela comporte.

Outre l'intrigue parfaitement ficelée qui nous tient en haleine du début à la fin, Robert Harris décrit objectivement un monde financier opaque et dénué de toute éthique, et de tout contrôle; D'ailleurs ce n'est pas un hasard si l'action du roman se déroule à Genève, au pays du secret bancaire ! Enfin, ce thriller palpitant est une réflexion sur l'évolution de l'Homme, et son rapport avec la machine, dans une économie de plus en plus virtuelle.

Robert Harris, L'indice de la peur, Pocket, 379 pages, traduit de l'anglais par Natalie Zimmermann, sorti en 2011 (Angleterre) 2012 (France)

mercredi 15 octobre 2014

Rain Dogs, de Sean Doolittle


Un "Rain Dog", c'est un chien qui  n'arrive pas  à rentrer chez lui parce qu'une tempête a lavé toutes les odeurs qui lui sont familières. Tom Coleman, ancien journaliste brisé par la perte de sa petite fille, a quitté Chicago pour recommencer tout à zéro dans la campagne du Nebraska (état natif de l'auteur), où il a hérité d'une petite affaire de location de canoës. Une vie en apparence paisible l'attend. Mais lorsqu'un laboratoire de came clandestin explose à proximité et que les flics débarquent, Tom va chercher à découvrir la vérité, à ses risques et périls.

L'avenir du roman policier américain c'est Sean Doolittle. Ce n'est pas moi qui le dis, mais l'illustre Dennis Lehane, excusez du peu ! Et après avoir lu d'une traite ce roman noir, je partage son avis, car Doolittle est un écrivain de talent et un meneur d'intrigues hors pair: narration fluide, intrigue noire qui privilégie la dureté des rapports humains, personnages plus vrais que nature. Doolittle fait dans le traditionnel, et l'efficace: pas de longueurs, pas de rebondissements douteux, pas de gras. Juste l'implacable réalité dans l'état rude du Nebraska !

Rain Dogs, c'est donc tendu, c'est bien mené, et ça va à l'essentiel. Un très bon moment de lecture. Et un auteur qui confirmera tout son talent avec l'excellent Savemore. 

Sean Doolittle, Rain Dogs, Rivages, 352 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Sophie Aslanides, sorti en 2005 (Etats-Unis) 2011 (France)

Du même auteur sur ce blog:
Sécurité renforcée

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L'évangile du billet vert, de Larry Beinhart


Un professeur d'université est assassiné dans des circonstances plus que louches, rapidement un suspect est arrêté, l'un de ses élèves, un musulman ayant obtenu la nationalité américaine; Celui-ci a avoué le meurtre, rapidement considéré comme un acte terroriste à l'époque où les Etats-Unis sont en pleine guerre sainte. Un avocat juif décide d'assurer la défense de l'étudiant, certain de son innocence; Il s'adjoint les services de Karl, un privé repenti, ancien alcoolique coureur de jupons, qui a retrouvé la foi grâce à Jésus, et à sa nouvelle femme, membre d'une communauté religieuse en plein essor, dirigée par un pasteur très très ambitieux. 





Très vite, Karl va se rendre compte que cette affaire est beaucoup plus complexe. Et que son implication en tant que membre d'une communauté religieuse radicale pose problème. Mais rassurez-vous, il n'est finalement point question de religion, mais bien d'argent, de gros sous; Au pays de Dieu... enfin du Dieu pognon, et ce encore plus qu'ailleurs ! 

Après Le bibliothécaire et Reality show, Larry Beinhart poursuit avec virtuosité sa critique virulente du gouvernement Bush, qui a lobotomisé des américains évoluant dans un monde manichéen monté de toutes pièces, avec d'un côté les gentils fidèles de Dieu et de l'autre les méchants terroristes. Le personnage de Karl permet de vivre de l'intérieur les effets de cette propagande sur le psychisme des individus, sortes de schizophrènes tiraillés entre leur foi et les nombreux interdits qui vont de pair, et leur nature d'homme. Exit l'ouverture d'esprit !

Pamphlet contre l'extrémité qui ne peut mener finalement qu'à d'autres extrémités, L'évangile du billet vert exalte la liberté d'esprit et la dignité, pose des questions pertinentes sur la définition du bien et du mal, et nous alerte en ce début de millénaire sur la condition de l'Homme et son rapport avec la foi, peu importe laquelle !

Larry Beinhart, L'évangile du billet vert, Folio432 pages, Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Samuel Todd, sorti en 2008 (Etats-Unis) 2010 (France)

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mercredi 8 octobre 2014

Comment j'ai trouvé un boulot, de Jim Nisbet


Jim Nisbet, ou une certaine vision de la réalité. Si vous aimez uniquement les thrillers commerciaux du type Harlan Coben ou John Grisham, Jim Nisbet n'est clairement pas pour vous. Son style extrêmement sophistiqué, truffé de références culturelles et historiques, peut en rebuter plus d'un, mais croyez-moi il faut insister, car ses romans sont très intéressants, et encore une fois d'une grande originalité. Un mélange de noirceur, et d'humour grinçant, un style dense qui oblige le lecteur à une vigilance constante. Des personnages fouillés, une intrigue complexe. 

Jim Nisbet n'est pas d'une lecture évidente, au début, mais on s'habitue à son style, on plonge dedans, et quand on a fini ses livres, on a l'impression d'avoir vécu l'aventure juste à côté du héros, ou plutôt de l'anti-héros. 

Comment j'ai trouvé un boulot raconte l'histoire de Curly, un musicien raté qui trouve un boulot par le biais de son meilleur pote junkie Ivy. le boulot en question consiste à récupérer du matériel de musique acheté à crédit par un certain Stefan Stepnowski. 

Mais ce dernier a disparu, et lorsque finalement Curly et Ivy le retrouvent, en pleine nuit dans un entrepôt désert, Stepnowski baigne dans son sang. Il a été sauvagement assassiné. De fil en aiguille, Curly se retrouve sur la piste d'un tueur aussi brillant qu'insoupçonnable. Le personnage incontournable du serial killer est bien présent dans ce roman, mais attention, la voie que suit Nisbet est complètement différente. Je ne vous en dis pas plus, je vous laisse le soin de découvrir cet auteur à part.

Jim Nisbet, Comment j'ai trouvé un boulot, Rivages, 368 pages, traduit de l'anglais (Etats-Unis) Par Freddy Michalski, sorti en 2007 (Etats-Unis) 2008 (France)

Du même auteur sur ce blog:
Sous le signe du rasoir Prélude à un cri ; Injection mortelle

Meurtres pour rédemption, de Karine Giébel


"un choc comme je n'en ai jamais eu", dixit Gérard Collard. Comme je partage son avis après avoir lu cet ovni littéraire. Certain(e)s auteur(e)s parviennent à écrire un chef d’oeuvre, un roman abouti, une idée exploitée à son maximum, sans aucun regret, LE roman total, et unique. Par exemple Le dahlia noir pour James Ellroy, Shutter island pour Dennis Lehane, Mapuche pour Caryl Férey, ou La nuit du renard pour Mary Higgins Clark. Tous des polars cultes qui auront marqué à jamais ce genre littéraire si particulier qu'est le roman policier.

Meurtres pour rédemption est le chef d’oeuvre de Karine Giébel, auteure surdouée, à mon avis elle pourra difficilement faire mieux que ce monumental roman noir, tant au niveau de la quantité (presque 1000 pages dans la version poche) que de la qualité. 

Un roman coup de poing puissant, sauvage, un chant de démence et de sang qui nous emmène très loin, de l’enfer des prisons françaises jusqu’aux arcanes obscures du pouvoir politique.

Ce roman noir majeur nous fait passer par tous les stades émotifs possibles, et met en scène une anti-héroine hors norme, une jeune femme écorchée vive, qui vous accompagnera jusque dans vos pires cauchemars. Les deux cent dernières pages sont taillées au couteau et vous coupent littéralement la respiration. Un dénouement tragique, inoubliable!

Et malgré toute la noirceur présente dans ce roman très dur (certaines scènes sont à la limite du supportable), les personnages principaux ont encore envie d’aimer, c’est donc ce que je retiens de ce livre poignant: le manque d’amour est à l’origine de bien des maux dans la civilisation des hommes.

Karine Giébel, Meurtres pour rédemption, Pocket, 988 pages, sorti en 2010.

Du même auteur sur ce blog:

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